L’image de Jina Mahsa Amini, décédée sous la garde de la police, a fait le tour du monde. Les responsables présumés de sa mort – des membres de la police des mœurs iranienne – sont toujours en liberté. Aucune enquête indépendante n’a été menée sur les circonstances de sa mort.
L’impunité est très répandue en Iran. Et elle n’a rien de nouveau. «Souvent, des acteurs étatiques haut placés sont impliqués dans les violations des droits humains», explique Nassim Papayianni, responsable de campagne au sein de l’équipe iranienne d’Amnesty International. Ainsi, en 1988, des agents pénitentiaires avaient collaboré avec des «commissions de la mort», responsables de disparitions ou d’exécutions extrajudiciaires de milliers de personnes dissidentes. Plus de 30 ans après, les survivant∙e∙x∙s attendent toujours que justice soit faite. Les autorités iraniennes ont ignoré les demandes répétées de la communauté internationale d’ouvrir des enquêtes pénales et ont tenté de détruire les preuves de leurs crimes.
De nombreux responsables de l’époque occupent toujours des postes clés du pouvoir. Un schéma qui «facilite la répétition des crimes contre l’humanité», selon Nassim Papayianni. En 2021, par exemple, Ebrahim Raïssi a été nommé président de l’Iran, et ce sans avoir fait l’objet d’une enquête pour son rôle dans le cadre des exécutions de masse de 1988.
Pas de justice indépendante
Les principes de l’État de droit et de la séparation des pouvoirs sont systématiquement bafoués en Iran, ce qui empêche toute obligation de rendre des comptes. «Le système judiciaire manque d’indépendance, la liberté des avocats est compromise et les détenus se voient refuser l’accès à une assistance juridique jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu», déclare Nassim Papayianni. «Les tribunaux acceptent systématiquement comme preuves les aveux obtenus sous la torture.»
Les autorités iraniennes répriment fréquemment avec brutalité les personnes qui dénoncent les dérives étatiques. Fin septembre 2022, une fuite révélait que de hauts responsables de l’État avaient ordonné aux forces armées de sévir sans relâche contre les manifestant∙e∙x∙s, même au prix de vies humaines. Entre septembre 2022 et février 2023, 527 activistes ont été tué∙e∙x∙s et plus de 19 600 autres ont fait l’objet d’arrestations, selon les organisations de défense des droits humains.
Les responsables n’ont pas encore été amenés à rendre des comptes. Le gouvernement rejette avec véhémence les conclusions des expert∙e∙x∙s de l’ONU et des organisations de défense des droits humains. Mais la communauté internationale ne pouvait pas rester les bras croisés : le 24 novembre dernier, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a adopté une résolution pour la création d’une commission d’enquête – une décision historique qui a notamment pu voir le jour grâce à la pression d’Amnesty International. Cette commission a pour mission de documenter les violations des droits humains commises en Iran dans le cadre des manifestations qui ont éclaté en septembre 2022, ainsi que de collecter et de préserver les preuves en vue de futures procédures judiciaires.
Depuis 2018, Amnesty International se bat pour la mise en place d’un mécanisme international indépendant, impartial et efficace pour lutter contre l’impunité. «Nous espérons que la création de la mission d’enquête marquera un changement fondamental dans l’approche de la communauté internationale pour lutter contre la crise de l’impunité systématique en Iran», déclare Nassim Papayianni. Elle espère que la commission d’enquête sera mise en place sans délai. «Nous ne pouvons plus laisser la population iranienne seule. L’impunité doit cesser maintenant.»