Lorsque le Mahatma Gandhi a entamé sa célèbre « marche du sel » le 12 mars 1930, il était loin de se douter de l’influence qu’il allait avoir sur l’histoire de l’Inde et du monde. Avec ses partisan·ne·x·s, il a parcouru 390 kilomètres jusqu’à la mer d’Arabie pour collecter du sel, une activité interdite à l’époque. À l’origine du succès de cette manifestation, un nouveau paradigme : la marche du sel était non-violente ; elle combattait une injustice dont souffraient des milliers de personnes, et son but était accessible.
Malgré les risques – plus de 60 000 Indien·ne·x·s ont été arrêté·e·x·s pour avoir enfreint la loi sur le sel –, la manifestation a porté ses fruits : Gandhi a créé une force politique à prendre au sérieux et la loi sur le sel a été assouplie. Sa démarche a également servi d’exemple, notamment pour la marche sur Washington de 1963, au cours de laquelle Martin Luther King Jr. a prononcé son célèbre discours « I Have a Dream », l’un des points culminants du mouvement des droits civiques aux États-Unis qui a finalement abouti à l’abolition de la ségrégation.
Toutes les manifestations ne sont pas pour autant couronnées de succès. Le mouvement démocratique en Chine dans les années 1980 s’est terminé brutalement après le massacre de Tiananmen. Pendant le Printemps arabe, le gouvernement de Bahreïn a étouffé la contestation, pourtant portée par un tiers de la population, en procédant à des arrestations et à des exécutions, et en recourant à la torture.
Comment réussir sa manifestation ?
Il n’existe pas de recette simple pour expliquer le succès d’une manifestation. Mais certains facteurs peuvent le favoriser. Dans une interview pour Der Spiegel, Sebastian Haunss,être poursuivis en conséquence et traduits en justice. qui étudie les mouvements de protestation à l’université de Brême, identifie deux conditions essentielles : d’une part, le thème doit interpeler différents groupes d’intérêt, et de l’autre, la mobilisation doit être bien planifiée et communiquée. Ainsi, en 2020, le mouvement Black Lives Matter a su rallier 76 % des Américain·e·x·s autour de l’idée que le racisme n’est plus tolérable – une augmentation de 26 % par rapport à 2015.
Il ne suffit pas de pointer du doigt ce qui ne va pas. Les manifestations réussies sont celles qui rassemblent, non seulement les individus, mais également les différent·e·x·s acteur·rice·x·s du changement, c’est-à-dire les médias, la police, les autorités, les ONG et les institutions éducatives. Le mouvement #MeToo, par exemple, y est très bien parvenu. Dans de nombreux pays, on parle désormais plus ouvertement de violence sexuelle, les lois ont été adaptées et la protection des femmes a été étendue.
La colère seule ne suffit pas
Selon une étude de l’université Harvard, ce sont surtout les manifestations pacifiques qui ont du succès. Quiconque recourt à la violence perd rapidement l’estime du public. La colère seule ne suffit pas, il faut transmettre de manière crédible l’espoir que le changement est possible. Les gouvernements tombent lorsqu’ils perdent leur soutien, lorsque la police et l’armée se retournent contre les détenteur·rice·x·s du pouvoir. Enfin, les manifestations sont efficaces parce qu’elles déclenchent quelque chose chez les personnes qui y participent. Elles sont souvent le point de départ d’un activisme qui peut durer toute une vie.