Séparer son travail de ses opinions, c’est la voie qu’a choisie l’artiste genevois John Armleder. « Je n’ai jamais pensé que mes œuvres devaient refléter mon engagement social et politique. Je l’exerce à titre individuel, non pas comme artiste. J’ai toujours séparé le message de mon travail, qui est vraiment abstrait dans le sens absolu du terme. » Pourtant, il ne manque pas d’esprit critique. Objecteur de conscience, John Armleder a passé sept mois en prison en 1967 pour avoir défendu ses valeurs. Une expérience marquante – il sera enfermé avec de « vrais » criminels après avoir jeté des tracts politiques par la fenêtre de sa cellule d’objecteur – qui confortera son engagement antimilitariste.
«Dans le milieu artistique, on a beaucoup de liberté pour affirmer des choses. Mais le revers de cette liberté, c’est que ça n’a que très peu d’efficacité.»
John Armleder
L’artiste, qui vit et travaille à Genève, a trouvé sa voie très tôt. En 1956 déjà, alors qu’il n’a que 8 ans, il a une « sorte d’épiphanie » au MoMA de New York devant le Carré blanc sur fond blanc de Kasimir Malevitch. C’est à ce moment-là qu’il comprend que c’est ce qu’il veut faire de sa vie. Entretemps, John Armleder est devenu l’un des plasticiens les plus connus de Suisse. Il est également galeriste. Il participe chaque année à la foire de Bâle (Art Basel), où il expose les œuvres d’autres artistes – et leur reverse la totalité du prix des ventes, contrairement à l’usage du métier.
John Armleder est conscient que l’art peut toujours être détourné à des fins de propagande. De Napoléon Bonaparte à Staline, les exemples historiques ne manquent pas. « C’est pour ça que je me garde bien de penser que mon activité illustre quoi que ce soit, qu’elle sert un discours ou reflète une opinion, parce que je refuse que le pouvoir dominant la réutilise à son escient. » En revanche, il ne se déclare pas opposé à ce que d’autres, à titre personnel, interprètent ses œuvres à leur façon, car selon lui : «Le vrai créateur d’une œuvre, c’est celui qui la regarde.»