Un film qui parle d’amour, de normalité, de sexe, de rejet mais aussi de discrimination : voici les ambitions de As-sexybilidade, un documentaire autour du handicap, à l’affiche du Festival du film et forum international sur les droits humains de Genève*. Et il a une particularité : celle d’être produit par une personne concernée. « Dès mes premiers mois, mes parents ont remarqué que quelque chose clochait au niveau de la coordination de mes mou-vements. J’ai fait une série d’examens, mais les médecins n’ont pas réussi à diagnostiquer ce que j’avais », explique Daniel Gonçalves. Une situation qui a poussé ce Brésilien à produire son premier long métrage Meu nome é Daniel (2019), autobiographie où il cherche des réponses à sa condition. Aujourd’hui encore, le mystère persiste ; mais le réalisateur de 39 ans a fini par abandonner cette quête : « Le handicap fait partie de mon identité, mais il ne me définit pas. Connaître mon diagnostic ne va finalement rien changer à mon quotidien. »
« J’ai envie que mes films fassent bouger les choses, qu’ils aient un impact, qu’ils confrontent les gens à d’autres réalités sociales.» Daniel Gonçalves
Le cinéma, Daniel Gonçalves est un peu tombé dedans par hasard. Désireux de devenir journaliste sportif, il a fini par embrasser la carrière cinématographique après un stage d’édition vidéo. Ce passionné d’écriture qui dit « adorer raconter des histoires » s’est rendu compte que c’est à travers l’écran qu’il voulait le faire. Mais avec une aspi-ration précise : intégrer une dimension sociale. « J’ai envie que mes films fassent bouger les choses, qu’ils aient un impact, qu’ils confrontent les gens à d’autres réalités sociales. Je ne peux pas m’imaginer réaliser une fiction pure, qui ne créerait pas le débat », sourit à travers sa moustache ce grand et fin Carioca.
Célébrer la différence
Assexybilidade suit cette vision en mettant le handicap à l’honneur. Plus de quinze personnes – femmes, hommes, personnes noires, non binaires, queer, grosses – livrent tour à tour leurs expériences sexuelles et amoureuses. « Le Brésil est un pays extrêmement divers et chaque personne handicapée vit une réalité différente, selon son identité », souligne Daniel Gonçalves, qui considère de son côté avoir des « privilèges » en tant qu’homme blanc cis. Entre quelques scènes érotiques, on entend Pedro expliquer qu’il en a assez d’être infantilisé par des parents qui limitent sa sexualité ou Ivone confier que c’est seulement à 40 ans qu’elle a consulté une gynécologue pour la première fois, faute d’éducation sexuelle. C’est pour briser ce tabou que le cinéaste a mis en lumière des corps invisibilisés, des corps en marge car « la beauté est dans la différence ».
Pour Daniel Gonçalves, l’amour et le sexe font partie des droits « les plus basiques et fondamentaux » de notre société. Et pourtant. S’il partage sa vie avec une femme depuis huit ans, son parcours amoureux n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Il a dû multiplier les tentatives pour qu’on finisse par l’accepter tel qu’il est. « Les gens me prenaient souvent en pitié, ou avaient des stéréotypes. Une personne s’est par exemple rétractée lorsqu’elle m’a vu, alors qu’elle se disait intéressée. » Malgré un recul sous le régime de Bolsonaro, il voit une évolution dans la so-ciété brésilienne avec la mise en oeuvre en 2015 d’une loi sur l’inclusion progressiste, mais aussi dans les moeurs. « Il y a quelques années, c’était inimaginable de produire un tel film, et encore moins par un handicapé. »