Vous l’avez peut-être découvert récemment sur la RTS, où il présente depuis mi-mai une émission de rencontres amoureuses. Mais c’est d’abord sur internet, puis sur scène que Frani ELLE a rencontré le succès. Retour sur une ascension fulgurante.
> AMNESTY : Vous avez commencé sur internet en épinglant les travers typiquement suisses. D’où vous est venue l’idée?
< Frani ELLE : Ça a commencé en 2020, par une vidéo que j’ai publiée sur TikTok en vacances au Portugal, sur un ticket de restaurant que je ne trouvais pas cher en tant que Suisse. Ça a marché tout de suite. Une communauté qui aime rire des clichés sur la Suisse ou des préoccupations quotidiennes, comme le pouvoir d’achat, a vite émergé sur les réseaux sociaux.
> Comment expliquer la rapidité de votre succès?
< Depuis le Covid, la vie des gens a commencé à se dégrader au niveau financier, alors qu’on nous maintient partout que les Suisses sont riches. La situation géopolitique également est devenue angoissante. J’ai compris que les gens avaient besoin de s’extraire de leur quotidien. J’essaie de leur apporter une bouffée d’air frais.
> Des réseaux, vous êtes ensuite passé à la scène…
< Mon mari, Yann Mercanton, est metteur en scène. Il m’a proposé de tenter l’aventure sur les planches, avec un spectacle que nous avons coécrit : « Bienvenue en Suisse, bienvenue chez nous ». Ça a été un long travail d’écriture et d’observation du monde qui nous entoure. Au début, je ne me sentais pas légitime, mais la mayonnaise a pris immédiatement. Nous avons fait salle comble dix soirs d’affilée au théâtre Alizé de Sion, au théâtre de Colombier dans le canton de Neuchâtel et au théâtre Boulimie à Lausanne. Boulimie, c’est le temple de l’humour romand. C’est incroyable de m’y produire. Je tiens à mentionner Frédéric Recrosio (codirecteur du théâtre Boulimie, ndlr) qui m’a donné ma chance. Je prépare une tournée romande pour la fin 2024.
> Qu’est-ce qui est arrivé en premier, votre passion pour le drag ou pour l’humour?
< Je pratique le drag par passion depuis plusieurs années. Au moment de monter sur scène, c’était pour moi évident de porter la perruque : Je suis Frani ELLE, avec ou sans maquillage. Mon drag, c’est une extension féminine de moi. Ce n’est pas un personnage. Me présenter ainsi me procure de la force et de la légèreté.
> Se produire en drag-queen, c’est aussi un geste militant?
< Historiquement, les drag-queens occupent une place particulière dans le militantisme LGBTQIA+. Elles profitent de leur notoriété pour briser certains tabous et normaliser certains codes. Mais ce n’est pas ma démarche. Je suis en drag sur scène ou en vidéo parce que ça me plaît. En abordant des thématiques qui concernent tout le monde, j’attire un public très divers, qui n’a pas forcément l’habitude de voir des drag-queens. Et c’est là que se situe mon militantisme. J’aime aller là où l’on ne m’attend pas, décloisonner l’art du drag, et forcément ça contribue à ouvrir certains esprits. On me surnomme d’ailleurs la « drag-queen des hétéros ».
> En parlant de décloisonner. En juillet, vous prêterez votre image à la Pride romande qui se tiendra à Martigny. C’est une première dans cette ville.
< Les prides n’ont de sens que là où l’on n’a pas l’habitude de les voir. Plus généralement, je constate aussi qu’il y a encore des combats à mener, notamment concernant les transidentités. Je suis moi-même parfois victime de transphobie sur les réseaux, alors que je m’identifie comme homme cis. C’est une question qui prend beaucoup trop de place et qui polarise pour rien. Ce qui m’importe, c’est de faire passer un message simple : arrêtons de nous justifier et vivons comme bon nous semble !