© Everybody’s Perfect/Ivan P. Matthieu
© Everybody’s Perfect/Ivan P. Matthieu

MAGAZINE AMNESTY Interview culturelle Au service de la représentation queer

Propos recueillis par Baptiste Fellay. Article paru dans le magazine AMNESTY n°118, septembre 2024
Avec sa programmation 100 % queer, le festival genevois «Everybody’s Perfect» participe à mieux visibiliser la communauté LGBTQIA+ sur grand écran.

Du 4 au 13 octobre prochain, le festival de cinéma queer Everybody’s Perfect présentera sa onzième édition au Grütli à Genève. L’événement au succès grandissant propose comme chaque année une programmation éclectique qui saura plaire au plus grand nombre. Rencontre avec Sylvie Cachin, qui le dirige depuis 2018.

> AMNESTY : La concurrence entre festivals de films en Suisse romande est rude. Comment se démarque Everybody’s Perfect?

< Sylvie Cachin: C’est le seul festival du film queer en Suisse romande. Il permet à toutes les personnes LGBTQIA+ de voir à l’écran des gens qui leur ressemblent et de visionner collectivement les histoires des personnes concernées. Notre festival répond à un manque, non pas en Suisse romande, mais dans la distribution globale. Malgré des progrès ces dernières années, la représentation LGBTQIA+ sur grand écran n’est toujours pas suffisante. On voit très bien, depuis le lancement de notre festival, que le public a soif des productions que nous projetons.

> Qu’est-ce que ça dit de l’industrie du cinéma?

< Il y a beaucoup de films qui veulent s’écrire sur des questions LGBTQIA+, mais dont les producteur·rice·x·s essaient de réorienter le scénario vers des histoires hétéronormées. En cause, d’une part les mentalités conservatrices, et de l’autre celles d’ordre commercial. Un film sera plus facilement produit lorsqu’on sait qu’il sera distribué et projeté dans un festival. L’existence des festivals queer sert donc également à encourager les productions.

Sylvie Cachin, directrice du festival «Everybody’s Perfect». © Karine Bénard

> En quoi le cinéma est-il un outil important pour les causes LGBTQIA+?

< Le cinéma a un impact psychologique, culturel, politique et économique. Psychologique, parce qu’il permet aux personnes LGBTQIA+ de se construire grâce à des modèles positifs. Dans notre festival, on essaie d’ailleurs de montrer des images de personnes épanouies plutôt qu’opprimées. Culturel, car un film est un divertissement, qui touche aux émotions et qui peut véhiculer beaucoup d’idées. Politique, car en montrant un film en salle, on touche également les décideur·euse·x·s à qui on peut adresser un message. Et finalement économique, car le cinéma est une industrie, et le cinéma queer permet aux personnes LGBTQIA+ d’y prendre part, avec un statut, une reconnaissance et de l’argent à la clé.

> Votre festival s’adresse donc à tous les publics.

< Nous refusons de nous adresser à un public de niche. Notre festival est interculturel et intergénérationnel. On s’adresse aux personnes LGBTQIA+, bien sûr, à leur famille, leurs collègues, mais aussi aux cinéphiles en général. Notre programmation est vaste, avec des films de tous les continents et un large spectre de genres, des films sentimentaux à la comédie en passant par la pornographie. Depuis 2018, nous avons doublé notre nombre d’entrées. Notre festival connaît une notoriété grandissante et peut compter sur un soutien de plus en plus fort.

> On ne peut donc qu’encourager nos lecteur·rice·x·s à s’y rendre!

< Oui, surtout que l’ambiance y est très conviviale ! Ce n’est pas un grand festival où l’on se perd. Les gens se rencontrent, échangent. Ce lien social nous est cher. En plus des films et des tables rondes, nous organisons des verrées et des soirées festives. Rejoignez-nous !