Mathilde arrive pile à l’heure convenue sur la terrasse lausannoise où nous avons rendez-vous. Dans deux heures, elle doit attraper un train pour Genève, où elle commence une thèse de doctorat sur la décroissance carcérale. Pendant qu’elle commande son thé vert, je plaisante sur le feuilleton médiatique dont elle a été la star il y a quelques mois. Elle rit: «C’est vrai que ces histoires avec la police ont fait un bruit pas possible!»
En mars 2023, l’Yverdonnoise, militante engagée depuis plusieurs années contre l’industrie du béton, pose avec un slogan se moquant du groupe immobilier vaudois Orllati. Sur le panneau qu’elle a trouvé lors de la manifestation et qu’elle tient à la main, on peut lire en petit les lettres «ACAB» (acronyme d’All Cops Are Bastards – tous les flics sont pourris). La presse décide d’en faire une affaire. Car Mathilde est députée au Grand Conseil vaudois depuis 2022, où elle siège dans le groupe Ensemble à Gauche-POP. S’en suivront des menaces de mort et une plainte de l’Association professionnelle des gendarmes vaudois, classée par le Ministère public. S’il y a une leçon à tirer de cet épisode : on ne pardonnera rien à la jeune députée. «L’arrivée d’une zadiste au Parlement avait fait grincer quelques dents. Et je suis une élue très active, on me surveille d’autant plus», sourit-elle.
Activiste à jamais
Mathilde Marendaz fait partie des zadistes qui, en 2020, lancent l’occupation de la colline du Mormont pour empêcher l’extension de son exploitation par l’ogre du béton Holcim. «J’avais alors pris conscience que les mouvements écologiques devaient entreprendre des actions directes pour avoir un impact», explique-t-elle.
La jeune députée est une enfant des Grèves pour le climat. «C’est une mobilisation qui m’a puissamment formée.» Elle rompt avec les Vert.es, dont elle était pourtant devenue secrétaire politique nationale de la jeunesse de parti. «Les Vert.es ne visent pas la racine du problème : le système néolibéral.» Et rejoint Ensemble à Gauche. C’est sous cette bannière qu’elle sera élue au Conseil communal d’Yverdon en 2021, puis au Grand Conseil vaudois en 2022. Sans pour autant arrêter de s’impliquer dans diverses actions de désobéissance civile.
Sous surveillance
«Je continue à faire de la politique institutionnelle, car c’est un moyen d’action essentiel pour des changements à large échelle.» La députée profite de son statut pour créer un lien avec les mouvements militants. Elle en fait remonter les revendications et parvient à transmettre des informations. «Il y a peu de transparence sur beaucoup de sujets. Mon statut de députée me permet de poser des questions à l’exécutif.»
Le jour de son assermentation, alors qu’elle rentre d’un camp militant contre les méga-bassines en France, elle se présente avec un tee-shirt flanqué «Zadiste des forêts». Ce souvenir la fait rire: «La photo est assez mythique.» Et le message clair : Mathilde refusera de se plier aux «codes bourgeois» qu’on tentera de lui imposer. «Certains oublient que nous sommes élus par des gens pour un programme, une vision du monde», complète-t-elle. Car la jeune femme est particulièrement surveillée au sein même du législatif. «Le bureau du Grand Conseil a déjà tenté de me rappeler à l’ordre, sans réels fondements, en me parlant de l’image que je donne du Parlement. Ils veulent me faire entrer dans le moule, à l’usure. C’est antidémocratique. Il y a clairement un chilling effect au Parlement.» Mais il en faudra plus pour décourager la politicienne, c’est certain.