© IMAGO/Balkis Press/ABACA
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MAGAZINE AMNESTY Édito Éclat trompeur

Par Jean-Marie Banderet. Article paru dans le magazine AMNESTY n°118, septembre 2024
Très loin du faste que font miroiter le plan directeur saoudien et les projets architecturaux qui l'accompagnent, l'opposition est systématiquement muselées et les femmes ne constatent pas vraiment de changement malgré les promesses d'ouverture du royaume.

Une «société dynamique», une «économie prospère» au sein d’une «nation ambitieuse». L’idéal sociétal que promet –et promeut, à grand renfort de relations publiques– l’ambitieux plan directeur saoudien «Vision 2030» fait rêver. Le royaume s’interroge sur l’«après-pétrole», veut s’ouvrir au monde, réformer ses institutions, s’affirmer comme un centre régional de premier plan. Et il ne lésine pas sur les moyens. En témoigne notamment le projet pharaonique Neom et sa ville futuriste neutre en émissions de carbone.

Un homme incarne cette volonté de créer une Arabie saoudite nouvelle: le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS). Aux rênes du pouvoir depuis 2017, l’homme fort de Riyad semble doté d’un flair indéniable pour attirer les investissements. Mais quand il s’agit d’appliquer les réformes sociétales promises, c’est plus compliqué. Le système de tutelle, par exemple, pèse de facto toujours sur les Saoudiennes, et ce malgré le discours officiel qui prétend faire de leur émancipation une priorité.

Appliqué à se débarrasser de l’image de dirigeant intransigeant que lui a valu l’assassinat de Jamal Khashoggi en 2018, MBS n’a pas totalement rompu avec ses pratiques liberticides. Les voix critiques se retrouvent en prison pour de longues années, les oppositions trop marquées aux chantiers de Neom sont éliminées sans autre forme de procès. Signe du succès et de la crédibilité de cette future Arabie saoudite, les États ferment les yeux sur ces violations, craignant de froisser Riyad et de passer à côté d’une opportunité unique et d’affaires juteuses.

Alors pour que la «terre du futur» –comme l’annonce en sept langues la plaquette de Neom– respecte véritablement ses promesses, il est grand temps que les entreprises et les gouvernements, dont le nôtre, évitent de se compromettre lorsque le projet dérape et qu’ils cessent de sacrifier les droits fondamentaux sur l’autel des affaires.

Jean-Marie Banderet, rédacteur en chef