De gauche à droite: Manahel al-Otaïbi, Raïf Badawi et Loujaïn al-Hathloul. © André Gottschalk
De gauche à droite: Manahel al-Otaïbi, Raïf Badawi et Loujaïn al-Hathloul. © André Gottschalk

MAGAZINE AMNESTY Arabie saoudite En prison pour avoir voulu défendre leurs droits

Propos recueillis par Manuela Reimann Graf et Jean-Marie Banderet. Article paru dans le magazine AMNESTY n°118, septembre 2024
Les voix critiques envers le régime ou celles qui se battent pour défendre leurs droits terminent souvent en prison. Trois cas emblématiques.

LOUJAIN AL-HATHLOUL

Incarcérée à l’isolement entre le 15 mai 2018 et le 10 février 2021

 

«Loujain devrait être célébrée, elle devrait être l’exemple de l’avancement de l’Arabie saoudite. Les autorités auraient beaucoup à gagner à la traiter comme l’héroïne qu’elle est et à exploiter l’image qu’elle donne du pays.»
Lina al-Hathloul, sœur de Loujain

Pendant trois mois, elle a été torturée, harcelée sexuellement et privée de sommeil. Depuis sa libération, elle est interdite de sortie du territoire saoudien et son téléphone est placé sous écoute.

Lors de son arrestation, sans mandat, Loujain al-Hathloul a été qualifiée de traîtresse par les médias, alors qu’elle se battait pour les droits des Saoudiennes. Son acte d’accusation mentionne explicitement ses liens avec Amnesty International comme circonstances aggravantes.

 

 

 

 


RAÏF BADAWI

Incarcéré pendant dix ans, de 2012 à 2022

 

«Ça ne fait pas de sens de garder Raïf en Arabie saoudite loin de sa famille, d’autant moins maintenant que les changements et l’ouverture pour lesquels il s’est battu sont en vigueur. Cela fait dix ans que je perds ma voix à essayer de joindre les autorités pour leur faire entendre raison, mais je n’ai jamais rien reçu en retour.»
Ensaf Haïdar, épouse de Raïf

Selon sa femme, il est toujours resté discret sur ses conditions de détention.

Depuis sa libération, il demeure interdit de sortie et sous le coup d’une amende de 1 million de rials (236 000 CHF). Les demandes de naturalisation pour qu’il puisse rejoindre sa femme et ses enfants au Canada n’ont pour l’heure pas été suivies d’effets. Après avoir été visé par une fatwa en 2011 pour des articles critiques envers l’Islam, Raïf Badawi a été arrêté et condamné à dix ans de prison parce qu’il tenait un blog pour défendre les libertés d’expression et d’opinion et affichait son soutien à d’autres causes, notamment le droit de conduire pour les femmes.

 

 

 

 

 

 


MANAHEL AL-OTAIBI

Détenue depuis le 16 novembre 2022

 

«Manahel et mon autre sœur Mariam font partie des activistes les plus en vue pour les droits des femmes en Arabie saoudite. Nous voulons juste de vivre une vie normale et d’exercer nos droits»
Foz al-Otaibi, sœur de Manahel

Entre le 5 novembre 2023 et le 14 avril 2024, Manahel a brusquement disparu; sa famille a perdu tout contact. Pendant cette période, elle raconte avoir été battue et maintenue à l’isolement. Il lui est toujours interdit de pratiquer du sport, pourtant nécessaire à son métier d’instructrice de fitness et pour compenser une maladie musculaire. Elle ne peut contacter sa famille que toutes les deux à trois semaines.

Accusée de «crimes terroristes» par le tristement célèbre Tribunal pénal spécial d’Arabie saoudite le 9 janvier 2024, la jeune femme a été accusée d’avoir enfreint la loi sur la lutte contre la cybercriminalité parce qu’elle défendait les droits des femmes dans ses tweets et qu’elle a posté sur Snapchat des photos d’elle dans un centre commercial sans abaya (un vêtement traditionnel ample à manches longues).