Le rapport annuel d'Amnesty International donne une vision complète de la situation des droits humains dans cent soixante pays en 2014. Si les dirigeants mondiaux n'agissent pas immédiatement pour faire face à l'évolution de la nature des conflits et pour remédier à d'autres défaillances identifiées dans le rapport, les prévisions pour l'année à venir sont sombres :
- De plus en plus de populations civiles sont contraintes de vivre sous le contrôle quasi étatique de groupes armés violents, et sont en butte à des attaques, des persécutions et des discriminations.
- La liberté d'expression, entre autres droits, est de plus en plus menacée, notamment par des violations découlant de nouvelles lois antiterroristes draconiennes et d'une surveillance de masse abusive.
- La situation humanitaire et la crise des réfugiés s'aggravent, le nombre de personnes déplacées à cause d'un conflit ne cessant de croître, tandis que les gouvernements continuent de bloquer les frontières et que la communauté internationale n'apporte pas l'aide et la protection nécessaires.
Montée des groupes armés
Amnesty International s'inquiète tout particulièrement de la montée en puissance de groupes armés non étatiques, dont celui qui se donne le nom d'État islamique (EI).
Des groupes armés ont commis des atrocités dans au moins trente-cinq pays en 2014, soit plus de 20 % de ceux sur lesquels Amnesty International a travaillé.
«Parallèlement à l'extension des zones d'influence de groupes tels que Boko Haram, EI et Al Shabab au-delà des frontières nationales, un nombre croissant de civils vont être contraints de vivre sous leur contrôle quasi étatique, en butte à des attaques, des persécutions et des discriminations», a déclaré Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International. «Les gouvernements doivent cesser d'affirmer que la protection des civils n'est pas de leur ressort et contribuer à soulager les souffrances de millions de personnes. Il est indispensable que les instances dirigeantes revoient entièrement leur approche face aux crises à travers le monde.»
Le droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies
Pour des raisons de défense d'intérêts particuliers ou d'opportunisme politique, le Conseil de sécurité des Nations unies s'est montré incapable de résoudre les crises et les conflits qui ont déchiré Gaza, l'Irak, Israël, la Syrie et l'Ukraine, même dans les situations où des États ou des groupes armés se rendent coupables de crimes atroces à l'encontre de civils. Amnesty International engage aujourd'hui les cinq membres permanents du Conseil de sécurité à renoncer à faire usage de leur droit de veto en cas de génocide ou d'autres atrocités de masse.
«Cette initiative pourrait changer entièrement la donne et donner un nouveau souffle aux instruments dont dispose la communauté internationale pour protéger les civils en grand danger. En renonçant à leur droit de veto, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité élargiraient la marge de manœuvre des Nations unies et feraient clairement savoir aux responsables d'atrocités massives que le monde ne restera pas les bras croisés», a déclaré Manon Schick.
Des mesures anti-terroristes non-conformes aux droits humains
Le rapport annuel révèle que nombre d’Etat ont adopté des tactiques répressives et drastiques en réaction aux menaces pesant sur la sécurité. Voici quelques exemples:
- En Afghanistan, des informations ont fait état de violations des droits humains commises par des agents de la Direction nationale de la sécurité (le service du renseignement), notamment d'actes de torture et de disparitions forcées.
- Le Kenya a promulgué une loi portant modification de la législation en matière de sécurité, texte répressif susceptible de se traduire par de nombreuses restrictions aux libertés d'expression et de mouvement.
- Au Nigeria, les populations locales, déjà terrorisées depuis des années par Boko Haram, sont devenues de plus en plus vulnérables face aux violations perpétrées par les forces de sécurité du régime, qui ont souvent répondu par des exécutions extrajudiciaires, des arrestations massives et arbitraires et des actes de torture.
- Les autorités pakistanaises ont levé le moratoire sur la peine de mort et commencé à exécuter des prisonniers déclarés coupables d'infractions liées au terrorisme.
- En Russie et en Asie centrale, celles et ceux qui étaient accusés d'infractions liées au terrorisme, ou soupçonnés d'appartenir à des groupes islamistes, ont été torturés aux mains des forces nationales de sécurité.
- En Turquie, des lois antiterroristes à la définition vague ont de nouveau été invoquées en 2014 pour poursuivre en justice des personnes qui exerçaient légitimement leur liberté d'expression.
«Il est à craindre que des dirigeants ne continuent à réprimer sévèrement les manifestations, à adopter des lois antiterroristes draconiennes et à recourir à des techniques abusives de surveillance de masse en réaction aux menaces pesant sur la sécurité.
Les réfugiés
Conséquence tragique de l'incapacité de la communauté internationale à faire face au nouveau visage des conflits, la crise des réfugiés est l'une des plus graves que le monde ait jamais connues, alors que des millions de personnes – dont quatre millions en provenance d'un seul pays, la Syrie – continuent de fuir violences et persécutions. «Il est insupportable de constater que les efforts déployés par les pays riches pour maintenir ces personnes hors de leurs frontières prennent le pas sur ceux visant à les maintenir en vie.
La crise mondiale des réfugiés ne peut que s'aggraver si l'on ne réagit pas de toute urgence», a déclaré Manon Schick.
La Suisse
La Suisse est également pointée du doigt par le rapport annuel d’Amnesty. «Le traitement des demandeurs d’asile demeure inquiétant en certains points. Des violations du principe de non-refoulement ont eu lieu et le recours à la force au cours des expulsions demeure parfois disproportionné», a déclaré Denise Graf, coordinatrice asile à la Section suisse d’Amnesty International. Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale [ONU] a par ailleurs recommandé au gouvernement d'adopter une définition claire et complète de la discrimination raciale, couvrant tous les domaines de la législation. Il a également appelé le gouvernement à mettre en place un système efficace de collecte de données sur la discrimination et à prendre des mesures pour que nul ne fasse l’objet de contrôles d’identité, de fouilles ou de toute autre opération policière en raison de sa race ou de son appartenance ethnique.
Communiqué de presse publié le 25 février 2015, Londres - Genève.
Contact du service de presse