«Comment est-ce qu’on a pu en arriver là? Comment peut-on être bombardés dans nos propres maisons ? Ma fille est morte, mon fils et ma femme ne vont certainement pas survivre. Ma mère est également décédée. Pourquoi ces attaques ? Il n’y a pas de rebelle ici. Seulement des gens normaux. Ma sœur et son mari sont venus ici pour fuir les combats qui dévastaient leur quartier. Ils cherchaient la sécurité, ils ont trouvé la mort.»
(Syrie)
«Ma femme a été tuée lors d’une attaque d’un groupe armé et j’ai moi-même été blessé. J’ai donc décidé de fuir la Somalie. J’ai passé 18 mois en Libye, dont 11 dans différents centres de détention. Les gardes du centre de Kufra m’ont frappé et aspergé d’eau bouillante parce que je leur avais demandé à manger et des médicaments. Je n’ai reçu aucun traitement même si mes jambes étaient boursouflées suite aux brûlures.»
(Somalie)
«Nous avons été attaqués à deux reprises durant notre fuite. Une fois du côté somalien, une fois du côté kenyan. Des bandits armés nous ont absolument tout volé et nous ont battus, les autres passagers et moi. Pendant plusieurs jours, je ne pouvais plus parler, j’étais comme morte. Les autres ont dû me calmer, je ne pouvais même plus m’occuper de mes enfants.»
(Somalie)
«Les autorités libyennes nous ont arrêtés parce que nous étions clandestins, mon mari, notre enfant et moi-même. Au poste de police, ils nous ont dérobé tous nos biens et ils nous ont brutalisés devant notre enfant. Ils m’ont cassé la main gauche. Ils nous ont placés dans des centres de détention différents, moi avec mon fils à Garabuli, et mon mari dans un autre centre. La vie en détention était répugnante et particulièrement dure. Nous avons été maltraités psychologiquement. Nous avons souffert de la faim et n’avions aucun accès à de l’eau propre. Mon fils a failli mourir à la suite de problèmes aux poumons. Le chef du centre de détention m’a autorisée à le conduire au centre de soins. Deux gardes nous ont accompagnés, mais j’ai réussi à fuir avec mon fils.»
(Erythrée)
«J’ai été en mer pendant 21 jours. Il y avait 80 personnes sur le bateau. Seul cinq d’entre elles ont survécu. Après trois jours, il n’y avait plus d’eau, plus rien à manger et plus d’essence. Le bateau a dérivé. C’était au mois d’août et il n’a pas plu. Certains se sont mis à boire leur urine et à vomir. Après huit jours, un premier passager est mort. Il y avait 25 femmes, une seule a survécu. Tous les jours il y avait des morts.
Pendant la journée, le soleil était ardent et notre peau brûlait. Mon corps me faisait mal et je ne supportais plus mes habits sur ma peau. L’eau de la mer rentrait dans le bateau. On était toujours mouillé et la nuit, il faisait très froid. Des bateaux, au moins quatre par jour, passaient à côté de nous, mais ils ne nous ont pas aidés. Quand on voyait un bateau, on rassemblait toutes nos forces pour l’appeler. Mais après quelques jours, tout le monde était trop affamé, assoiffé et souffrant, alors on n’y arrivait plus. Vers la fin, un bateau nous a jeté 20 litres d’eau, puis il a passé son chemin. Ce jour-là, nous n’étions plus que six personnes. Finalement, une autre personne est encore morte, et un jour plus tard, un bateau est venu et nous a secourus.»
(Erythrée)
«J’ai voyagé avec d’autres réfugiés en bateau jusqu’à l‘île grecque de Samos. Les garde-côtes nous ont arrêtés, mis en prison et après six jours, redéposés une nuit à la frontière grecque. Celles et ceux qui imploraient de l’aide et ne voulaient pas partir étaient frappés. Ils m’ont également frappé à plusieurs reprises. Ils ne m’ont pas rendu mon téléphone et les 400 euros qu’ils m’avaient pris lors de mon arrestation. La peur et le désarroi m’ont fait tout accepter.
Lors de ma deuxième tentative de fuite, j’ai de nouveau été arrêté en Grèce et j’ai été incarcéré dans différents endroits. À chaque fois, j’ai été humilié et frappé. J’ai fui la Turquie car j’avais peur d’être emprisonné et je craignais les risques de violence et de répression. Pourtant après avoir fui en Grèce, j’ai été encore plus exposé à ces dangers et je suis devenu presque paranoïaque. Depuis mon enfance, j’ai été constamment emprisonné. Aujourd’hui, je ne suis simplement plus assez fort pour supporter tout ça.»
(Turquie)
«J’étais caché dans un camion qui était en route pour la Suisse lorsque la police grecque m’a arrêté. Les policiers m’ont ligoté et frappé. Puis, au poste de police de la ville grecque d’Igoumenitsa, j’ai dû complètement me déshabiller. Ils m’ont de nouveau frappé et m’ont fait me tenir debout durant des heures. J’ai ensuite été amené dans une cellule située dans une cave; environ 120 personnes s’y trouvaient déjà. Nous n’avions aucun contact avec le monde extérieur et n’avions le droit d’aller aux toilettes que deux fois par jour. Ils nous donnaient du pain et quelques olives en guise de repas. Je suis resté 25 jours là-bas. Puis, j’ai été amené dans trois postes de police différents. Partout on m’a brimé, insulté et frappé. Ces trois mois ont été les pires de ma vie.»
(Turquie)
octobre 2012