Entretien avec Ethem Açıkalın «Quel que soit l'endroit, il est toujours difficile d'être un réfugié»

7 Juin 2013
Ethem Açıkalın a reproché aux autorités turques d’avoir emprisonné des enfants. Pour avoir critiqué le gouvernement, il a été mis en prison et a été torturé. La Suisse lui a offert une protection.

Ethem Açıkalın, responsable de la section d’Adana de l’Association turque pour la défense des droits humains (İHD), a été poursuivi en justice en janvier 2008 sur la base de la loi antiterroriste.  Il avait participé à une conférence de presse sur une supposée exécution extrajudiciaire. En août 2008, il a affirmé, avec d’autres membres de l’IHD, que la police leur avait fait subir des mauvais traitements en raison de leurs recherches sur l’arrestation de certains membres du parti pro-kurde DTP. En 2009, il faisait simultanément l’objet de sept procédures judiciaires en raison de son action en faveur de la défense des droits fondamentaux. En octobre de la même année, il a été déclaré coupable d’«incitation à l’inimitié ou à la haine au sein de la population » et condamné à trois ans d’emprisonnement pour avoir reproché aux autorités d’avoir emprisonné, en 2008, plus de 100 enfants. Ces enfants avaient participé à des manifestations dénonçant notamment la suppression de prestations de santé familiales.  L’affaire était encore en appel en fin 2009. Amnesty a alors lancé une Action urgente pour Ethem Açıkalın.

Ethem Açıkalın, un alévi kurde, avait déjà été arrêté en 2000. Au total, il a été arrêté et torturé plus de 80 fois en raison de son engagement pour les droits humains. Lors de son dernier procès avant sa fuite à l’ambassade de suisse, il avait été condamné à 24 ans de prison.

Seule la Suisse lui a proposé de l’aide

Avec l’appui d’Amnesty International, de Human Rights Watch et du patron de la section d’Ankara de l’IHD, Ethem Açıkalın a déposé une demande d’asile à l’ambassade de Suisse. Il a choisi la Suisse, car c’était, à l’époque, le seul pays européen qui offrait la possibilité d’engager une procédure d’asile par l’ambassade. Pour Ethem Açıkalın, il n’existait aucune autre possibilité légale de quitter la Turquie car aucun pays européen ne lui aurait délivré un visa d’entrée. Il n’était pas non plus envisageable d’aller dans un autre continent car, en tant que militant pour les droits humains, il craignait d’être livré aux autorités turques. La Suisse représentait un pays sûr où il pouvait se réfugier.

En 2010, après l’examen de sa demande, Ethen Açıkalın est arrivé en Suisse, au centre d’enregistrement de Bâle. Il y est resté trois mois puis a été assigné, à sa demande, au canton de Berne.  Il y a beaucoup d’ami∙e∙s et de connaissances. Dix mois plus tard, il a reçu la décision positive de sa demande d’asile: il peut rester en Suisse.  Il est désormais un réfugié reconnu, vit dans un appartement, a suivi un cours d’allemand et espère pouvoir bénéficier du regroupement familial. Sa vie en Suisse est plus facile grâce à ses nombreuses connaissances. Il affirme toutefois que, quel que soit l’endroit, il est toujours difficile d’être un réfugié car, étant étranger, on s’en remet à la bonne volonté du pays d’accueil.