Réfugiés en Méditerranée Malte: Les expulsions collectives ne sont pas une option

12.07.2013
Amnesty International est préoccupée par plusieurs déclarations du Premier ministre maltais prononcées entre le 4 et le 9 juillet, qui indiquent que Malte pourrait empêcher des bateaux transportant ...
Amnesty International est préoccupée par plusieurs déclarations du Premier ministre maltais prononcées entre le 4 et le 9 juillet, qui indiquent que Malte pourrait empêcher des bateaux transportant des étrangers de pénétrer dans les eaux territoriales de son pays et procéder à des expulsions collectives de personnes déjà placées sous juridiction maltaise.

Le 9 juillet, le gouvernement maltais a déclaré vouloir « considérer toutes les options » pour traiter les récentes arrivées massives d’étrangers sur l’île. Le matin même, 102 Somaliens, y compris des femmes et des petits enfants, ont été débarqués sur la terre ferme après avoir été secourus par les forces armées maltaises. Le 4 juillet, l’arrivée de 291 personnes, parmi lesquelles 282 Erythréens, avait incité le gouvernement à déclarer qu’ils considérait la possibilité de ne pas leur autoriser l’accès à son territoire et de les renvoyer au lieu de leur embarquement.

Les représentants du HCR à Malte n’ont eu accès, juste après leur arrivée, qu’à la moitié environ des personnes débarquées le 9 juillet. Basé sur les obligations de Malte en regard de la Convention de Genève de 1951 et de son Protocole facultatif de 1967, un accord a pourtant été conclu entre Malte et le HCR, selon lequel les fonctionnaires de l’organisation doivent avoir libre accès à toutes les personnes placées sous son mandat.

Amnesty International est préoccupée par la déclaration du gouvernement maltais selon laquelle “toutes les options étaient prises en considération”. Ceci implique que l’on étudie également la possibilité d’expulsions collectives, en violation de l’art. 4 du 4ème Protocole à la Convention européenne des droits de l’homme, auquel Malte est partie. De tels renvois seraient également contraires au principe de non refoulement. Le gouvernement maltais aurait affrété deux avions de la compagnie Air Malta pour renvoyer en Libye quelque 45 Somaliens arrivés le 9 juillet. Ces informations ont fait grandir l’inquiétude et incité des avocats à demander des mesures provisoires à la Cour européenne des droits de l’homme pour stopper ces expulsions.

La Cour, dans l’après-midi du 9 juillet, a accordé des mesures provisoires et a ordonné à Malte de suspendre les expulsions tant que les cas n’auraient pas été évalués de manière adéquate. Le gouvernement a accepté de se plier à cette décision. Il a déclaré vouloir respecter ses engagements internationaux. Mais il a défendu sa position dans le but de la faire connaître et d’attirer l’attention des institutions européennes sur la nécessité de partager le fardeau auquel l’île de Malte est actuellement soumise en l’absence de soutien international.

Amnesty prend note de la décision du gouvernement de se plier à ses obligations internationales et reconnait les importants défis auxquels Malte est confrontée du fait de sa situation géographique. Amnesty n’en reste pas moins préoccupée par le fait que le gouvernement ait envisagé la possibilité de recourir à des expulsions sommaires et illégales, en particulier vers un pays qui est dépourvu d’un système national de protection, et dans lequel il existe un risque bien connu que les étrangers qui y sont renvoyés deviennent victimes de graves violations des droits humains.

Les étrangers, particulièrement en provenance d’Afrique sub-saharienne, risquent continuellement d’être arrêtés arbitrairement, de subir de longues périodes de détention dans des conditions déplorables, sans accès à un avocat ou sans même être présentés à un juge. Ils risquent également la torture et les mauvais traitements ainsi que la déportation.

Amnesty International a documenté de telles violations des droits humains des réfugiés et requérants d’asile en Libye depuis de nombreuses années et encore très récemment dans un rapport publié en juin 2013: Scapegoats of fears, Rights of refugees, asylum-seekers and migrants abused in Libya (Index: MDE 10/007/2013).

Amnesty International est également préoccupée du fait que les personnes concernées n’ont pas eu un accès immédiat et sans obstacle aux représentants du HCR et ont été maintenues dans une situation d’incertitude totale quant à leur sort.

Amnesty International prie instamment le gouvernement maltais :

  • de faire en sorte que tout étranger débarqué récemment sur l’île ait un accès immédiat au personnel du HCR et à un avocat et qu’il puisse bénéficier d’une procédure d’asile efficace et équitable;
  • de déclarer sans équivoque, y compris dans le cadre de son prochain Examen périodique universel devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, que Malte ne procédera jamais à des expulsions collectives et prendra toutes les mesures nécessaires pour garantir que tout ressortissant étranger placé sous sa juridiction puisse avoir accès à une procédure d’asile équitable et complète;
  • de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les opérations de recherche et de sauvetage soient compatibles avec les normes internationales en matière de droits humains, de droit des réfugiés et de droit européen, en particulier en ce qui concerne l’accès à la procédure d’asile et la protection contre un renvoi vers un pays où il existe un risqué réel de persécution ou de graves violations des droits humains;
  • de garantir que toute décision concernant l’éligibilité à la protection internationale soit compatible avec les normes internationales en matière de droits de l’homme et de droit des réfugiés ainsi qu’avec les obligations maltaises découlant du droit européen des réfugiés;
  • d’amender sa législation de manière à ce qu’elle garantisse à tous les ressortissants étrangers arrivant à Malte le respect des normes contenues dans la Directive de l'Union européenne sur le retour, quel que soit leur statut ou les modalités de leur entrée sur le territoire maltais;
  • de mettre fin à la pratique consistant à détenir de manière obligatoire les requérants d’asile et les “migrants irréguliers” et de garantir des voies de recours compatibles avec les normes internationales en matière de droits humains, de droit des réfugiés ainsi que les normes européennes en cas décision de mise en détention et de renvoi.