Tragédie de Lampedusa: il est temps d'agir pour empêcher d'autres pertes humaines

Amnesty International appelle l’Union européenne (UE) et les gouvernements européens à prendre des mesures vigoureuses afin de prévenir de nouveaux décès en Méditerranée et de protéger les droits ...

Amnesty International appelle l’Union européenne (UE) et les gouvernements européens à prendre des mesures vigoureuses afin de prévenir de nouveaux décès en Méditerranée et de protéger les droits humains des migrants et des réfugiés.

La dernière tragédie du naufrage au large des côtes de Lampedusa met en évidence à nouveau la nécessité d’un changement fondamental dans les politiques européennes en matière de migrations. Les États ont systématiquement exclu du cœur de leurs politiques les droits des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés. Les ressources ont été de plus en plus allouées au contrôle des frontières extérieures de l’UE au détriment de la protection des personnes et de la sauvegarde de vies.

L’UE et les pays européens doivent revoir leur manière de répondre aux défis posés par les flux migratoires, afin d’inclure une analyse de l’impact sur les droits humains des politiques actuelles visant à contrer les migrations irrégulières. Les conflits, les violations des droits humains, l’instabilité politique et les inégalités exacerbées sont les principaux facteurs qui poussent les personnes à fuir ou à émigrer depuis toutes les régions du monde. Les politiques restrictives en matière de migrations qui visent uniquement à empêcher les arrivées en Europe ne dissuadent pas les personnes d’essayer d’atteindre l’Europe. Elles ne font que les forcer à choisir des itinéraires plus dangereux, et les poussent de plus en plus à confier leur sort à des passeurs et à des trafiquants.

Il est temps que l’UE et les gouvernements européens reconnaissent leurs responsabilités. Amnesty International appelle l’UE et les gouvernements européens à prendre rapidement des mesures dans les trois domaines suivants :

 

Opérations coordonnées par Frontex en mer

L’UE est actuellement en train de négocier des règles concernant les opérations d’interception menées en mer par Frontex (l’agence des frontières de l’UE). Ces règles visent à augmenter les obligations en matière de recherche et de sauvetage dans le cadre des opérations coordonnées par Frontex et d’améliorer les garanties pour les migrants et les demandeurs d’asile interceptés en mer au cours de ces opérations. Les États doivent trouver rapidement un accord sur ces nouvelles règles d’interception pour les opérations en mer coordonnées par Frontex afin de mettre en place des mesures de sauvetage efficaces et coordonnées au niveau de l’UE et de faire en sorte que les opérations soient conduites en conformité complète avec les éléments pertinents du droit international relatif aux droits humains et aux droits des réfugiés, et les normes s’y rapportant, ainsi qu’avec les obligations prévues par le droit de la mer.

 

Coopération avec les pays tiers en matière de contrôle des migrations

L’Union européenne et les pays européens coopèrent avec des pays tiers en matière de contrôle des migrations, tout en fermant les yeux sur les violations des droits humains subies par les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés de ces pays. Par exemple, malgré des éléments probants de violations commises sur des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile en Libye, l’UE et les pays européens tels que l’Italie coopèrent avec la Libye afin de contenir les flux migratoires vers l’Europe. Amnesty International n’a eu de cesse d’exhorter l’UE et les pays européens à ne pas coopérer avec la Libye en matière de contrôle des migrations tant que la Libye n’aura pas démontré qu’elle respecte les droits humains des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile, notamment en mettant en place un système satisfaisant d’examen de demandes d’asile.

Plus généralement, les droits humains doivent être à la base de toute coopération dans le domaine du contrôle des migrations avec des pays tiers. Les accords doivent être transparents, inclure des normes de protection adéquates, et respecter pleinement les droits des demandeurs d’asile, des réfugiés et des migrants.

 

Solidarité internationale

Des itinéraires sûrs vers l’Europe doivent être créés dans le cadre de programmes pertinents de réinstallation et d’admission humanitaire, et en levant les restrictions en matière de visa pour les réfugiés. L’UE ne prend pas la part de réfugiés qui lui revient justement – le nombre de réfugiés invités à s’installer en Europe doit être bien supérieur à celui, très faible, qui est prévu dans les programmes actuels de réinstallation des réfugiés. Des efforts conséquents doivent être accomplis afin de permettre la réinstallation de milliers de réfugiés, au lieu de nombres symboliques.

En ce qui concerne l’Italie, les autorités italiennes doivent faire en sorte que les personnes qui se trouvent à Lampedusa soient rapidement transférées vers le continent, et garantir que toutes les installations disponibles pour les recevoir soient opérationnelles et dûment équipées afin d’offrir une assistance aux migrants et aux demandeurs d’asile, en portant une attention particulière aux groupes vulnérables, tels que les femmes et les jeunes filles exposées à des risques, les victimes de violences ou de torture, et les réfugiés âgés. Tous ceux qui atteignent les côtes italiennes doivent recevoir une assistance dans des centres ouverts et avoir accès à des procédures de demande d’asile justes et efficaces. Des garanties doivent être établies afin de faire en sorte que, conformément au droit relatif aux droits humains et aux droits des réfugiés, des personnes ne soient pas collectivement expulsées du territoire italien, ou ne soient pas expulsées avant d’avoir eu la possibilité de contester leur retrait, si elles le souhaitent. Amnesty International appelle également les autorités italiennes à abroger la législation selon laquelle le fait d’entrer ou de rester en situation irrégulière sur le territoire italien constitue une infraction pénale. L’organisation demande également que les autorités italiennes augmentent leurs capacités en matière de recherches et de sauvetage.

En outre, ces débats relatifs aux changements indispensables à apporter aux politiques européennes en matière de migrations doivent s’inscrire en tant que partie intégrante du travail de l’UE sur le renforcement des droits humains et de l’état de droit au sein de l’UE.