Image d'icône (droits expirés de l'image originale de cet article) © pixabay (Erika Wittlieb)
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Union européenne 10'000 Afghans renvoyés dans leur pays dans des conditions dramatiques

Communiqué de presse publié le 5 octobre 2017, Kaboul/Bruxelles/Genève. Contact du service de presse
Les États européens mettent en danger des milliers d’Afghans, en les renvoyant de force dans un pays où ils courent un risque considérable d’être torturés, enlevés, tués ou soumis à d’autres atteintes aux droits humains.

Alors que le nombre de victimes civiles est plus élevé que jamais en Afghanistan, les gouvernements européens obligent de plus en plus de demandeurs d’asile à repartir affronter les menaces qu’ils ont fuies, en violation flagrante du droit international. C’est ce que constate Amnesty International dans son nouveau rapport.

Intitulé «Retour forcé vers l’insécurité. L’Europe renvoie des demandeurs d’asile en Afghanistan», ce document dénonce le sort dramatique d’Afghans renvoyés de Norvège, des Pays-Bas, de Suède et d’Allemagne et qui, à leur retour dans leur pays, ont été tués ou blessés dans des attentats à la bombe, ou qui vivent désormais dans la peur permanente de persécutions motivées par leur orientation sexuelle ou le fait de s’être convertis au christianisme.

«la violence atteint un niveau record et aucune région d’Afghanistan n’est épargnée»Anna Shea, chercheuse d'Amnesty International spécialiste des droits des réfugiés et des migrants

«Désireux avant tout d’augmenter le nombre des expulsions, les gouvernements européens appliquent une politique à la fois irresponsable et contraire au droit international. Délibérément aveugles à tous les éléments qui montrent que la violence atteint un niveau record et qu’aucune région d’Afghanistan n’est épargnée, ils mettent des hommes, des femmes et des enfants en danger de torture, d’enlèvement, de mort ou d’autres calamités», déclare Anna Shea, chercheuse d’Amnesty International spécialiste des droits des réfugiés et des migrants.

Selon ce nouveau rapport, des enfants non accompagnés et de jeunes adultes qui étaient mineurs à leur arrivée figurent parmi les personnes renvoyées de force en Afghanistan. Plusieurs personnes interrogées par Amnesty International ont été envoyées dans des secteurs de l’Afghanistan qu’elles ne connaissaient pas, en dépit de l’insécurité qui y régnait et de l’impunité dont jouissaient les auteurs de crimes tels que la torture.

«Ces retours constituent des violations flagrantes du droit international et ils doivent cesser immédiatement. Les mêmes pays européens qui s’étaient naguère engagés pour que les Afghans connaissent un avenir meilleur anéantissent aujourd’hui tous leurs espoirs et les condamnent à repartir dans un pays qui est devenu encore plus dangereux que lorsqu’ils l’ont quitté», déplore Horia Mosadiq, chercheuse d’Amnesty International spécialiste de l’Afghanistan.

Les retours forcés et les victimes civiles se multiplient

Le nombre de retours forcés depuis l’Europe est en augmentation rapide, à un moment où celui des victimes civiles enregistrées par l’ONU atteint un niveau record.

Si l’on en croit les statistiques officielles de l’Union européenne (UE), entre 2015 et 2016, le nombre d’Afghans renvoyés dans leur pays par des États européens a presque triplé, passant de 3 290 à 9 460. Ces retours correspondent à avec une baisse très nette des avis favorables donnés aux demandes d’asile, passés de 68% en septembre 2015 à 33% en décembre 2016.

Dans le même temps, on assiste à une augmentation du nombre des victimes civiles en Afghanistan, comme en témoignent les chiffres publiés par la Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA). Selon la MANUA, 11 418 personnes ont été tuées ou blessées en 2016. Des civils ont été pris pour cible dans toutes les régions du pays. La plupart des attaques ont été perpétrées par des groupes armés, notamment par les talibans et le groupe se faisant appeler État islamique (EI). Au cours du seul premier semestre 2017, la MANUA a recensé 5 243 victimes civiles.

Plus de 150 personnes ont été tuées le 31 mai dernier à Kaboul dans l’explosion d’une bombe, à proximité de plusieurs ambassades européennes. Cet attentat, l’un des plus meurtriers jamais commis dans la capitale afghane, a également fait au moins 300 blessés.

Cynisme des États européens

Les États européens n’ignorent aucunement la dangerosité de la situation en Afghanistan. Au contraire, ils l’ont reconnue lorsque les membres de l’Union européenne (UE) ont signé un accord de coopération baptisé «Action conjointe pour le futur», destiné à renvoyer chez eux des demandeurs d’asile afghans.

Dans un document ayant fuité, l’administration de l’UE reconnaît que l’Afghanistan est confronté à «une détérioration de sa situation sécuritaire et une aggravation des menaces auxquelles les gens sont exposés, avec un nombre record d'attaques terroristes et de civils tués ou blessés». Ce qui ne l’empêche pas de conclure, avec un total cynisme, qu’il faut «que 80 000 personnes au moins puissent retourner chez elles dans un futur proche».

«Si l’Afghanistan ne coopère pas avec les pays de l’Union européenne dans le cadre de la crise des réfugiés, cela aura des conséquences négatives pour le montant de l’aide allouée à notre pays.»Ekil Hakimi, ministre afghan des Finances

Selon des informations dignes de foi, cette «nécessité» aurait été exprimée par des pressions exercées sur le gouvernement afghan. Le ministre afghan des Finances, Ekil Hakimi, a déclaré devant le Parlement: «Si l’Afghanistan ne coopère pas avec les pays de l’Union européenne dans le cadre de la crise des réfugiés, cela aura des conséquences négatives pour le montant de l’aide allouée à notre pays.»

Les pratiques de la Suisse

En comparaison avec 2016, la Suisse a certes renvoyé bien moins de personnes vers l’Afghanistan en 2017. Suite au présent rapport, Amnesty International demande cependant au SEM d’interrompre immédiatement tous les renvois vers ce pays avec effet immédiat, pour sauver des vies humaines. L’organisation demande aussi à ce que le SEM renonce à procéder à des renvois forcés sous couvert de renvois en vols de ligne de la compagnie aérienne Turkish Airways, avec une escale en Turquie. De fait ces vols échappent à tout contrôle par la Commission nationale de prévention de la torture.

En accord avec les conclusions finales d’une conférence internationale sur la détention d’enfants, qui s’est tenue les 25 et 26 septembre à Prague, Amnesty International demande en outre au SEM de mettre sa procédure de détermination de l’âge en conformité avec la Convention sur les droits de l’enfant et de renoncer sans délai à des pratiques intrusives telles que les examens osseux moyennant des rayons ionisants nocifs.