Qu’est-ce que le règlement Dublin ?
Le règlement Dublin est un élément central du régime d’asile européen commun. La Suisse s’est associée au système Dublin-Eurodac mis en place par l’Union européenne et applique le règlement Dublin depuis décembre 2008. Ce règlement permet de déterminer quel est l’Etat responsable de traiter une demande d’asile introduite dans l’un des Etats membres par un·e ressortissant·e d’un pays tiers. Dans la majorité des cas, il prévoit que c’est le pays de première entrée en Europe qui doit traiter la demande d’asile d’un·e requérant·e. D’autres critères sont également pris en compte, tels que la présence de membres de la famille dans un Etat européen ou la possession d’un visa déjà délivré par l’un des Etats associés. Ainsi, sur la base de ce règlement, les autorités suisses peuvent transférer la personne ayant déposé une demande d’asile en Suisse vers l’Etat européen désigné responsable pour traiter sa demande. Ce règlement a donc pour objectif qu’un seul Etat traite la demande d’asile d’un·e requérant·e.
Comment la Suisse profite-t-elle du règlement Dublin ?
Le règlement Dublin provoque une répartition très inéquitable des responsabilités liées à l’asile entre les Etats européens. En effet, du moment que la majorité des demandeuses et demandeurs d’asile rejoignent l’Europe par les voies maritimes, ce sont les pays situés aux frontières extérieures de l’Union européenne, comme l’Italie et la Grèce, qui sont chargés de traiter la majorité des demandes d’asile. La Suisse profite ainsi de sa situation géographique : la plupart des demandeuses et demandeurs d’asile qui arrivent jusqu’en terres helvétiques sont passé·e·s par un autre Etat européen et n’ont pas de visa suisse. Ces personnes peuvent donc être renvoyées vers cet Etat.
La Suisse applique de façon stricte le règlement Dublin. C’est le pays d’Europe qui a effectué le plus de renvois Dublin depuis 2009: plus de 25'000 personnes ont été renvoyées vers d’autres pays européens, ce qui représente plus de 15% des requérant·e·s d’asile arrivé·e·s en Suisse. En comparaison, les renvois effectués par l’Allemagne ne représentent que 3% des requérant·e·s environ.
Il est particulièrement préoccupant que la Suisse renvoie des personnes vers des pays où Amnesty International a dénoncé les mauvaises conditions d’accueil des réfugié·e·s et un accès problématique à la procédure d’asile, tels que la Hongrie ou la Grèce.
Les droits humains des personnes vulnérables sont-ils garantis ?
Le règlement Dublin contient une clause qui prévoit que chaque Etat associé a la liberté d’examiner une demande d’asile déposée sur son territoire, même si un autre Etat est désigné responsable de traiter cette demande. Cette clause peut être utilisée notamment pour des motifs humanitaires ou pour permettre le rapprochement de familles. Les autorités suisses n’utilisent pas suffisamment cette clause: elles continuent à renvoyer des personnes particulièrement vulnérables comme des familles avec enfants en bas âge et des personnes malades vers des pays qui ne sont pas en mesure de garantir leurs droits fondamentaux. Elles séparent également des familles avec des motivations peu convaincantes: une mère doit par exemple retourner en Italie avec ses enfants, alors que le père peut rester en Suisse, faute de mariage officiel entre les parents. Ces pratiques violent souvent les droits de l’enfant, les droits des personnes vivant avec un handicap et le droit au respect de la vie familiale.
Actuellement, la Suisse est le pays qui transfère le plus grand nombre de personnes vers l’Italie, malgré le fait que cet Etat n’est pas en mesure de garantir à toutes les personnes vulnérables un logement et une protection adaptée à leurs besoins. En effet, en 2016, la Suisse a par exemple renvoyé plus de quarante familles en Italie. Selon une étude récente de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés, il est impossible de prédire le sort qui attend les familles en Italie tant le traitement et l’hébergement varient en qualité. A leur arrivée en terres italiennes, nombre d’entre elles sont contraintes de loger dans des centres d’accueil inadaptés à leurs besoins (OSAR, février 2017).
Quelles sont les revendications d’Amnesty International?
Amnesty International demande aux autorités suisses de tout mettre en œuvre pour éviter les renvois de personnes particulièrement vulnérables. Afin de faire entendre ses revendications, Amnesty s’est joint à une coalition d’organisations pour lancer un appel national. L’appel contre l’application aveugle du règlement Dublin, signé par plus de 33'000 personnes et 200 organisations, a été remis au Conseil fédéral lundi 20 novembre 2017. Amnesty se mobilise actuellement pour rencontrer Madame la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga et les exécutifs de plusieurs cantons.