Homicides et disparitions forcées
Selon Front Line Defenders, 156 défenseurs et défenseuses ont été tué·e·s en 2015 contre 281 en 2016. Plus de la moitié des homicides de 2015 et plus des trois quarts de ceux de 2016 se sont produits dans la région des Amériques. En 2016, 49% des défenseurs et défenseuses assassiné·e·s travaillaient sur des questions liées à la terre, au territoire et à l'environnement.
Persécutions par voie judiciaire
Ces dernières années, on a assisté à une prolifération de nouvelles lois restrictives et répressives utilisées pour ériger en infractions les activités des défenseurs des droits humains et ainsi réduire ces hommes et ces femmes au silence. Les défenseurs et défenseuses des droits humains sont le plus souvent poursuivi·e·s pour incitation à la violence après avoir organisé des manifestations pacifiques ou participé à de telles manifestations.
En 2015, le Cambodge a par exemple adopté la Loi relative aux associations et aux organisations non gouvernementales, qui risque de porter atteinte au droit à la liberté d’association.
Stigmatisation et diffamation
La stigmatisation et les campagnes de diffamation sont couramment utilisées pour décrédibiliser les défenseurs et défenseurs des droits humains et affaiblir leur travail. Ceux-ci peuvent notamment être accusés publiquement (et à tort) d’être des terroristes, de défendre des criminels, de ne pas être patriotes, d’être corrompus, d’être des «agents de l’étranger», des espions de «la cinquième colonne» ou des «ennemis de l’État», ou encore de «déclencher des querelles et de provoquer des problèmes» et de s’opposer aux valeurs nationales ou morales.
Au Venezuela, les défenseur-se-s font par exemple fréquemment l’objet d’agressions verbales de la part des autorités. Les hauts responsables les critiquent régulièrement en public afin d’affaiblir leur légitimité et diffusent de fausses rumeurs sur les personnes et les organisations de la société civile pour les discréditer.
Trollage
Les trolls du web travaillent dans le cadre de réseaux complexes et organisés, parfois même financés par des gouvernements ou des entreprises privées, dont l'objectif est de chercher les militants en ligne, de les discréditer et de les intimider, y compris en leur envoyant des menaces de mort.
Au méxique, le défenseur des droits humains Alberto Escorcia a déclaré à Amnesty International voir «chaque jour en moyenne deux ou trois sujets tendances lancés par des trolls. Ce qui donne entre 1000 et 3000 tweets par jour. Beaucoup agissent dans le cadre de “bandes de trolls” organisées, qui sont payées pour rendre des informations virales ou lancer des campagnes discréditant et attaquant des journalistes.»
Représailles
De plus en plus souvent, les hommes et les femmes qui défendent les droits humains sont victimes de harcèlement et de manœuvres d'intimidation, voire de criminalisation ou d'autres attaques, quand ils dénoncent des atteintes aux droits humains à des mécanismes régionaux ou internationaux.
Surveillance
La surveillance de masse comme la surveillance ciblée des défenseurs des droits humains – sur Internet et hors ligne – continuent de se développer à l'échelle mondiale. Leur progression rapide est favorisée par les pouvoirs de plus en plus vastes accordés par de nouvelles lois et par la législation existante, ainsi que par le perfectionnement et la généralisation des nouvelles technologies.
La surveillance de masse est pratiquée par des pays tels que le Royaume-Uni ou les États-Unis, tandis que la surveillance ciblée de défenseurs des droits humains et d'autres personnes est monnaie courante dans des pays du monde entier. Au Royaume-Uni, la police a placé des journalistes sous surveillance afin d'identifier leurs sources. Le gouvernement éthiopien utilise la surveillance électronique pour espionner des militants de l'opposition dans le pays, mais également à l'étranger.
La Turquie demande aux fournisseurs de services de chiffrement de remettre des copies des clés de chiffrement à une autorité de régulation gouvernementale avant de proposer les outils à leurs clients.
Censure sur Internet
Parfois, les États ont recours au système pénal ou à des sanctions administratives pour poursuivre des personnes pour des propos tenus en ligne. Ainsi, au Kazakhstan, de nombreuses personnes ont été arrêtées et placées en détention en vertu de lois administratives, simplement pour avoir exprimé sur les réseaux sociaux leur intention de participer à une manifestation publique.
Attaques contre la liberté de réunion
Comme constaté lors de la répression des manifestations du Printemps arabe, les forces de sécurité ont de plus en plus recours à une force injustifiée et excessive pour maintenir l'ordre lors des rassemblements, et les autorités ont accru leur usage de la surveillance, de la détention arbitraire, de la torture et d’autres formes de mauvais traitements et de la peine de mort, ainsi que de législations restrictives et de règles ou de procédures de contrôle fastidieuses, dans le but d'empêcher la population d'organiser des manifestations pacifiques. Il leur arrive aussi de plus en plus souvent de fermer des sites Internet ou des réseaux sociaux, ou d'en bloquer l'accès, pour empêcher des manifestations pacifiques.
Attaques contre la liberté d'association
Partout dans le monde, des pays ont adopté et mis en œuvre des lois de plus en plus restrictives régissant l'obtention de fonds par des organisations de la société civile, notamment auprès de sources étrangères et internationales. Des lois limitant les activités de la société civile et leur financement ont été proposées ou adoptées récemment dans plus de 90 pays.
Dans certains pays, comme à Bahreïn ou au Bélarus, tous les financements étrangers sont de fait interdits. Dans d'autres pays, tels que le Bangladesh, l'Égypte et l'Inde, une autorisation préalable est nécessaire pour pouvoir prétendre à un financement étranger et les fonds sont soumis à un système spécifique d’approbation du gouvernement.
En juillet 2016, le Parlement israélien a adopté la loi dite «Transparence», qui impose de nouvelles obligations de déclaration aux organisations dont plus de la moitié des fonds proviennent de gouvernements étrangers – il s'agit dans la quasi-totalité des cas de groupes de défense des droits humains ou d’autres ONG critiques envers le gouvernement israélien.
Restrictions de la liberté de mouvement
Les restrictions en matière de déplacements prennent des formes diverses, parmi lesquelles l'interdiction de voyager, qui est souvent prononcée à l'issue de procédures judiciaires engagées sans fondement contre des défenseurs des droits humains. Elles peuvent aussi être imposées par les pays de destination, qui peuvent refuser de délivrer des visas ou rendre les procédures de demande trop contraignantes.
Ces deux dernières années, les autorités égyptiennes ont intensifié leur répression contre les organisations de la société civile, qui a atteint un niveau sans précédent. Dans le cadre d'une enquête pénale sur le travail d'organisations de défense des droits humains et sur leur financement, les autorités ont interdit à 17 défenseurs des droits humains de se rendre à l'étranger, ont gelé les avoirs de sept organisations et de 10 personnes, et ont convoqué des employés de ces organisations pour qu'ils soient entendus par des juges d'instruction.
Exactions commises par des acteurs non étatiques
Les hommes et les femmes qui défendent les droits humains restent exposés à de graves menaces et attaques de la part d’entreprises ou en lien avec leurs activités. Dans la majorité des cas recensés par Amnesty International, ces exactions ont été commises dans le cadre de projets d’exploitation des ressources naturelles par des entreprises.
Les défenseurs des droits humains qui, dans les zones de conflit, signalent des atteintes aux droits humains sont fréquemment la cible d'attaques de la part des diverses parties au conflit, qui les considèrent comme des ennemis potentiels. Ces attaques peuvent venir des forces de sécurité, de groupes armés ou d'autres milices, comme en Colombie ou au Yémen.
Discriminations croisées
Souvent, les femmes défenseures des droits humains sont prises pour cible en raison non seulement de leur militantisme mais aussi de leur genre ; la légitimité de leurs activités est sans cesse remise en cause et leur travail est dénigré. Elles peuvent faire l'objet de campagnes de dénigrement qui les font passer pour des femmes aux mœurs sexuelles légères, dans le but de pousser leur entourage à les rejeter. Des attaques prenant pour cible les proches d'un défenseur des droits humains, par exemple ses enfants, ont aussi été utilisées spécifiquement contre des femmes pour les dissuader de poursuivre leur travail afin de garantir la sécurité de leurs enfants.
Au Salvador, par exemple, des défenseures des droits humains qui militent pour les droits sexuels et reproductifs ont été publiquement accusées par la presse d'être «sans scrupules», «pro-mort», de «faire couler plus abondamment le sang qui colore déjà les fleuves de notre pays», d'être des «traitresses à la patrie qui font honte au Salvador» et de «manipuler des femmes vulnérables».
Le droit de défendre les droits
En vertu de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l'homme, c'est aux États que revient la responsabilité ultime de protéger les personnes qui défendent les droits humains et de veiller à ce qu’elles puissent mener à bien leur travail dans un environnement sûr et favorable.
L'Union européenne et ses États membres ont adopté plusieurs instruments relatifs aux défenseurs des droits humains qui orientent leurs actions de promotion et protection de ces derniers dans les pays tiers (ou ne faisant pas partie de l'UE), par exemple les Lignes directrices de l'UE sur les défenseurs des droits de l'homme. Le système interaméricain de protection des droits de la personne joue un rôle crucial dans la promotion et la protection des défenseurs des droits humains qui sont en danger sur le continent américain.
À l'échelle nationale, un certain nombre d'États ont créé des mécanismes de protection afin de mettre en place des mesures de protection et de prévention pour les défenseurs des droits humains et d'autres groupes menacés, notamment en Colombie, au Honduras, au Guatemala, au Mexique et au Brésil, même si des inquiétudes demeurent quant au manque de moyens et de mise en œuvre effective de ces mécanismes. D'autres pays ont adopté des lois ou engagé des débats sur des lois visant à protéger les défenseurs des droits humains, notamment la Côte d'Ivoire, la République démocratique du Congo et la Mongolie. Certains États, comme la Norvège, la Suisse et le Canada, ont adopté des lignes de conduite nationales sur les défenseurs des droits humains, qui servent aussi de guide à leur personnel diplomatique sur la manière de garantir protection et reconnaissance aux défenseurs des droits humains dans des pays tiers.