Le droit de réunion pacifique constitue un instrument d’expression pour les groupes sociaux et est reconnu comme un moyen d'engagement pour les minorités. Il est également important pour la diffusion de revendications politiques au-delà des urnes.
Les manifestations se caractérisent par leur fonction d'appel et visent à attirer l'attention du public sur des revendications. Selon les anciens rapporteurs spéciaux des Nations unies sur le droit de réunion pacifique et d’association et sur les exécutions sommaires ou arbitraires, Maina Kiai et Christof Heyns, «la capacité de se rassembler et d’agir collectivement est fondamentale pour le développement démocratique, économique, social et personnel, l’expression des idées et la promotion d’une citoyenneté engagée».
Le cadre juridique en Suisse
En 2019, il y a eu de nombreuses manifestations dans les villes suisses, notamment en raison de l’engagement des jeunes dans la lutte pour une meilleure politique climatique et des femmes pour leurs droits. Cela a été possible grâce à la liberté de manifester.
En Suisse, les manifestations et rassemblements pacifiques dans l’espace publique bénéficient de la protection de la liberté de réunion et d'expression, qui est à la fois garantie par la Constitution (articles 16 et 22 de la Constitution fédérale suisse) et fait l'objet des obligations internationales que la Suisse a contractées (articles 10 et 11 Convention européenne des droits de l'homme CEDH et articles 19 et 21 Pacte II des Nations Unies - Droits civils et politiques).
Les restrictions à la liberté de réunion
Une manifestation pacifique doit être présumée légale et ne constituant pas une menace à l'ordre public. Des restrictions peuvent toutefois être imposées si l’interdiction prévue dans la loi a pour objectif de protéger un intérêt public (ex. l’ordre ou la securité publique) ou les droits et libertés d’autres personnes, et si le principe de proportionnalité est respecté. Ainsi, une interdiction ne peut venir qu’en dernier recours face à une menace exceptionnelle, après évaluation d’autres formes de restrictions permettant de garantir l’ordre public et l’exercice du droit de manifester. L’interdiction doit être motivée en termes clairs par les autorités pour éviter tout pouvoir discrétionnaire abusif. Dans la pratique toutefois, certains règlements a priori anodins contribuent grandement à limiter la liberté de manifester sans fondement réels (désagrément pour les commerçant∙e∙s, les automobilistes, etc).
Le droit international oblige les États non seulement à s’abstenir de toute atteinte non légitime à la liberté de réunion pacifique, mais également à faciliter activement l’exercice de ce droit. Il doit notamment prendre des mesures pour garantir la sécurité des personnes qui manifestent.
Les manifestations sans autorisation préalable
Tant que les manifestations sont pacifiques, elles sont protégées par les droits fondamentaux et les droits humains. Cela vaut également pour les manifestations non autorisées et spontanées.
Amnesty International, tout comme le Rapporteur spécial sur les droits à liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, estime que le droit de manifester ne devrait pas être soumis à autorisation préalable. Les États peuvent cependant mettre en place un système de déclaration préalable (notification), visant à faciliter l’exercice de ce droit en permettant aux autorités de prendre des mesures pour garantir l’ordre et la sécurité publics.
Le droit international prévoit la possibilité de rassemblements spontanés en réaction à l’actualité par exemple, ne pouvant donc faire l’objet de déclaration préalable. La simple absence de notification aux autorités de la tenue d'une manifestation ne rend pas celle-ci illégale et, par conséquent, ne justifie pas à elle seule la dispersion de la manifestation. Les organisateurs qui ne notifient pas la tenue d'une manifestation ne devraient pas pour ce motif être soumis à des sanctions pénales ou administratives se soldant par des amendes ou des peines d'emprisonnement.
L’usage de la force
Selon les standards internationaux l’usage de la force doit respecter les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité. Dans tous les cas, la priorité doit être donnée à la dispersion volontaire sans violence. Le recours à la force n’est justifié que si tous les autres moyens non violents ne sont pas efficaces et doit être proportionnel au niveau de résistance des manifestants. En particulier, la police devrait éviter de recourir à des moyens de contrainte pouvant provoquer des blessures lorsque les manifestants n’opposent qu’une résistance passive (à savoir ne pas suivre un ordre de dispersion). En aucun cas, le simple fait qu’une manifestation soit illégale (ex. ne remplit pas les exigences administratives) ne justifie le recours à la force.