« Depuis toute petite, je savais que je voulais devenir mère ». Déjà, elle ne se voyait pas dans un rôle traditionnel et comptait concilier carrière et famille. En grandissant, elle réalise qu'elle ne pourra pas réaliser ce rêve.
Avant d’être diagnostiquée, Islam travaille dans une crèche. Elle se heurte régulièrement aux parents et à sa hiérarchie. « Si la société avait été plus à la page à cette époque, mon patron aurait peut-être réalisé que j’avais un handicap » explique Islam. Ce n’est que quelques années plus tard que le diagnostique tombe. Dans son cas, il montre qu'il lui est impossible d'achever un apprentissage sur le premier marché du travail, trop fatiguant sur les plans physique et social.
Son rêve d'une carrière tombe à l'eau, car Islam ne peut pas répondre aux exigences de performances du premier marché du travail. « Mais sur le deuxième marché du travail, je ne suis pas assez sollicitée sur le plan cognitif. » Après les investigations de l'assurance invalidité (AI), Islam commence à recevoir une rente complète.
Un cas exceptionnel de maternité
Lorsqu'elle rencontre son partenaire actuel, Islam sent son désir d'avoir un enfant se manifester. Pendant la grossesse, elle veut s'informer et cherche à échanger avec d'autres mères dans le spectre de l'autisme. Mais elle ne trouve ni témoignages ni études sur Internet. Même les organisations pour personnes sur le spectre autistique n’abordent pas le sujet. Ce qui ne l'a pas fait douter de sa capacité à remplir les tâches d'une mère, explique la jeune femme de 34 ans.
Au troisième trimestre de sa grossesse, Islam est victime d'une intoxication gravidique et doit être hospitalisée. « J'ai alors remarqué que le personnel n'était pas encore assez formé. A l’hôpital, j'ai dû expliquer comment me prendre en charge en tant qu'autiste », raconte-t-elle. Se situant au milieu du spectre, elle est capable de trouver rapidement les mots justes. Pour les autistes avec un spectre plus élevé ou plus bas, c’est en revanche plus compliqué. A l'hôpital, Islam souhaiterait que le personnel fasse preuve de plus de compréhension.
L'état de santé d'Islam et de son bébé est évalué chaque jour. Finalement, sa fille naît par césarienne un mois et demi avant la date prévue. Islam n'a pas eu l'espace nécessaire pour se préparer mentalement à l'accouchement. Cette circonstance, ainsi que les complications survenues pendant la césarienne, épuisent ses forces. Elle tombe dans une dépression postnatale.
« J'ai cherché des solutions avec le personnel pour pouvoir quand même voir ma fille tous les jours », raconte Islam. Mais la situation est difficile à vivre: « J'ai expliqué qu'en raison de mon handicap et de ma condition physique, je ne pouvais pas passer la nuit à l'hôpital, car j'avais besoin d'un endroit où m’isoler. Un spécialiste m'a alors dit que je devais être prête à faire des sacrifices ». El-le se sent incomprise, « comme si j’étais capricieuse ». Pourtant, passer une nuit à la clinique n’est pas envisageable.
Les offres de soutien amènent un soulagement espéré
Heureusement, Islam peut s’appuyer sur son mari et son amie Caroline pendant cette période. Sa famille et celle de son partenaire vivent à l’étranger. Dès qu'Islam peut emmener sa fille à la maison, elle demande l’assistance de l'AI. Cette dernière offre aux bénéficiaires d'une allocation pour impotent·e·x une aide régulière à domicile en cas de besoin. La demande d'Islam est immédiatement rejetée. Si Islam se situe sur le spectre de l'autisme, elle est considérée comme autonome. Islam pourrait faire appel de cette décision, mais sa dépression postnatale lui a sapé toutes ses forces.
S'occuper seule de son enfant n'est cependant pas possible. En tant qu'autiste, Islam perçoit et traite les choses différemment. Il est difficile pour elle de filtrer ses perceptions. Elle doit déclencher de manière ciblée des processus de pensée qui se déroulent automatiquement chez les personnes neurotypiques. Elle s'en rend compte lorsque sa fille a une crise de larmes, par exemple : « Je suis tellement sensible aux stimuli que mon subconscient occulte automatiquement ces bruits forts ». Cela engendre un temps de réaction plus long et lui rend difficile de hierarchiser les besoins de sa fille. « Ma sage-femme m'a alors mise en contact avec le service de conseils aux parents, qui a proposé la crèche comme soutien, afin que je puisse avoir plus de temps pour m’isoler. » Comme elle est bénéficiaire de l’AI, la ville de Berne lui apporte une contribution financière pour que l’enfant puisse aller à la crèche cinq fois par semaine. « La sage-femme m'a accompagnée et soigneusement confiée au service de conseils aux parents. Je m’y suis sentie très bien entourée ». Un exemple positif, qu'elle souhaiterait voir se produire plus souvent.
Plus de conscience à l'avenir
En passant du temps avec sa fille, Islam essaie de construire une relation saine. Son enfant de six mois apprend que sa mère a besoin de s’isoler et qu'il y a des choses qui ne sont pas possibles pour elle. « Si plus tard elle veut aller à un concert pour enfants ou à la fête de quartier, elle devra y aller avec quelqu'un d'autre. Quand il y a trop de monde, cela entraîne chez moi une surcharge de stimuli », explique Islam. Mais ce n'est pas la seule chose qui la préoccupe en ce moment. Le degré d'invalidité pour la rente est réévalué chez Islam en raison de la maternité. Ainsi, après la naissance de sa fille, le degré de travail potentiel et donc la rente se réduisent. « Mais est-ce que j'ai moins besoin d'aide que si je n'avais pas d'enfant ? », demande Islam.
En se penchant sur l'année écoulée, Islam devient pensive. « En tant que personne neurodivergente, j'ai toujours l'impression de demander un traitement de faveur. Je dois constamment me justifier. Il s'agit pourtant de mes droits fondamentaux. »
Elle souhaite que l'Initiative pour l’inclusion permette de prendre davantage conscience des besoins des personnes en situation de handicap. «Que dans la génération de ma fille et toutes les suivantes, les personnes atteintes d'autisme ne se sentent plus obligées de se justifier ».