Les États sont tenus, en vertu du droit international, de protéger la santé et la vie de la population. Pour ce faire, ils doivent mettre en place des mesures actives. En particulier lors d'une pandémie, ces mesures peuvent restreindre les droits fondamentaux et les droits humains. Cependant, les restrictions à l'exercice de certains droits n'équivalent pas automatiquement à des violations des droits humains. Il est important de bien distinguer ici entre restriction légitime des droits humains dans le but de protéger des intérêts publics fondamentaux d’une part, et violation de ces mêmes droits de l’autre.
En Suisse, les violations des droits humains sont en principe toujours interdites. Toutefois, les restrictions qui s’y appliquent ne sont pas des violations et sont justifiées si toutes les conditions suivantes sont remplies conformément à l'art. 36 de la Constitution fédérale:
- elles doivent être fondées sur une base légale;
- elles doivent être justifiées par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui;
- elles doivent être proportionnées au but visé;
- l’essence des droits fondamentaux est inviolable.
Si les mesures restrictives imposées par l'État ne répondent pas à ces exigences, il y a violation des droits humains. A l’inverse, si tous ces points sont réunis, les restrictions sont légales et ne constituent donc pas une violation des droits humains.
La lutte contre la pandémie de Covid-19 a restreint les droits fondamentaux et les droits humains. Sur la base des points ci-dessus, on peut examiner si ces restrictions sont légales :
Base légale: En Suisse, la loi sur les épidémies (LEp) sert de base légale à la lutte contre les maladies transmissibles en général. La base légale pour les mesures de lutte contre le COVID-19 est la Loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de coronavirus (COVID-19).
Intérêt public et droits fondamentaux d’autrui: Les mesures prises par la Confédération pour lutter contre la pandémie doivent être justifiées par l'intérêt public (protection de la santé publique). L'objectif et le devoir de l'État sont de protéger la santé et la vie des personnes. Ce devoir de protection de l'État est également justifié par le droit à la santé (art. 12 du I de l'ONU) et le droit à la vie (art. 6 du Pacte II de l'ONU).
Proportionnalité: La proportionnalité est une condition préalable à toute action dans le cadre de l'Etat de droit (Art.5 para. 2 CF). Toute mesure de lutte contre le Covid-19 doit être examinée quant à sa proportionnalité et répondre aux trois critères suivants :
- Est-elle adaptée à la réalisation de l’objectif ?
- Est-elle nécessaire, ou l'objectif peut-il être atteint par des moyens moins rigoureux ?
- Ses conséquences sur les personnes concernées sont-elles acceptables ?
Toutes les mesures doivent donc être nécessaires et adaptées au regard des chiffres de l'infection afin de lutter contre la pandémie. En outre, elles doivent être raisonnables pour les personnes concernées. La proportionnalité est toujours mesurée par rapport à la situation actuelle. Si les conditions changent (taux d'infection en hausse ou en baisse, surcharge du système de santé, etc.), la proportionnalité des mesures doit être réexaminée.
Respect des droits fondamentaux: le contenu des droits humains est protégé contre toute atteinte, sans quoi ils perdraient leur raison d'être. Cette norme minimale est définie individuellement pour chaque droit humain. Elle vise à empêcher qu'un de ces droits ne soit remis en cause et protège la dignité humaine. Le contenu essentiel du droit humain à la santé interdit, par exemple, les expériences médicales sur des personnes, ou l'exclusion de certaines personnes de l’accès aux soins.
Dans des cas individuels, les tribunaux décident si une mesure restrictive ou une absence d'action de l'État viole les droits humains.