Alors que 12 pays européens reconnaissent déjà un rapport sexuel non consenti comme un viol, le projet de l’administration fédérale soumis à consultation dès aujourd’hui propose d’introduire dans le code pénal suisse l’infraction «atteintes sexuelles» (art. 187a CP) couvrant les actes d’ordre sexuel commis contre la volonté d’une personne ou par surprise. Cette nouvelle infraction, considérée comme un délit, est assortie d’une peine plus légère que celle prévue pour un viol, considéré comme un crime.
Amnesty International salue la volonté du Parlement de réformer le code pénal suisse dans le but de sanctionner de manière adéquate les actes sexuels non consentis. Toutefois, l’organisation de défense des droits humains critique vivement le projet élaboré à ce stade : «Le projet de l’administration fédérale est une occasion manquée d’établir sans équivoque que l’injustice fondamentale d’une agression sexuelle ne réside pas dans la contrainte ou la violence, mais dans le non-respect de l’autodétermination sexuelle. Ce projet ne répond pas aux obligations de la Suisse en matière de droits humains, notamment celles fixées dans la Convention d’Istanbul», explique Cyrielle Huguenot, coordinatrice Droits des femmes à Amnesty International Suisse.
«L'injustice fondamentale d’une agression sexuelle ne réside pas dans la contrainte ou la violence, mais dans le non-respect de l’autodétermination sexuelle.» Cyrielle Huguenot, coordinatrice Droits des femmes à Amnesty International Suisse
En qualifiant les pénétrations vaginales, anales et orales non consenties d’atteintes sexuelles, ce projet de loi crée une sorte de «faux viol», avec une peine plus légère. Dans certains cas, la gravité de la peine dépendra alors du comportement de la victime : si la personne accusée n’a pas eu besoin de recourir à un moyen de contrainte, du fait qu’elle a profité d’un état de surprise ou de choc ayant empêché la victime de se défendre, elle risquera au maximum trois ans de prison contre dix actuellement pour un viol.
«Cette manière d’envisager les violences sexuelles est dépassée et méconnaît la réalité. Le signal envoyé aux victimes risque d’être dévastateur : si vous ne vous êtes pas défendue, l’agression que vous avez subie est considérée comme moins grave», critique Cyrielle Huguenot. Contrairement à des mythes encore répandus dans la société selon lesquels les viols sont majoritairement commis par des inconnus, avec un recours à la violence au détour d’une rue sombre, la plupart des agressions surviennent en réalité dans la sphère privée dans des moments en premier lieu paisibles. L’une des réactions naturelles des femmes concernées est un état de choc ou une paralysie que l’on appelle « freezing » ou sidération. Ce n’est que dans de très rares cas qu’elles résistent physiquement. La plupart des auteur·e·s n’ont ainsi pas besoin de recourir à la force, profitant de l’état de stress ou de choc de la victime et de leur relation de confiance.
«Le signal envoyé aux victimes risque d’être dévastateur : si vous ne vous êtes pas défendue, l’agression que vous avez subie est considérée comme moins grave»
Afin de rendre véritablement justice aux personnes qui subissent des violences sexuelles, Amnesty appelle le Parlement suisse à rectifier le projet de loi de l’administration fédérale, de sorte à considérer tout rapport sexuel non consenti comme un viol, et à réviser les articles 189 (contrainte sexuelle) et 190 (viol) du code pénal en conséquence. Amnesty International déposera cette revendication dans le cadre de la procédure de consultation.
Vous trouverez plus d’informations sur la position d’Amnesty International ici :