Des centaines de personnes manifestent contre le retrait de la Turquie de la Convention d'Istanbul, 20 mars 2021. © Amnesty International Turkey
Des centaines de personnes manifestent contre le retrait de la Turquie de la Convention d'Istanbul, 20 mars 2021. © Amnesty International Turkey

Droits des femmes La Convention d’Istanbul

La « Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique » , dite Convention d'Istanbul, considère la violence à l'égard des femmes pour ce qu'elle est : une grave violation des droits humains et une discrimination.

La convention a été signée par le Conseil de l'Europe en 2011 à Istanbul, en Turquie. C'est de là que vient l’autre appellation de la « Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique ». Cette norme internationale des droits humains a pour objectif de lutter contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique au niveau européen. La convention oblige les pays qui l'ont ratifiée à agir de manière conséquente contre les violences à l'égard des femmes et des jeunes filles, à lutter contre les violences liées au genre et à garantir aux victimes de violences leur droit au soutien et à la protection. La Suisse a ratifié cette convention, qui est entrée en vigueur en avril 2018. En ce qui concerne les violences sexuelles, la Convention d'Istanbul exige que tout acte sexuel non consenti soit défini comme une violence sexuelle.

La Convention d'Istanbul contient des obligations juridiques pour les États parties qui couvrent quatre aspects : la prévention des violences à l'égard des femmes, y compris la violence domestique; la protection des victimes; la poursuite des auteurs et la coopération entre les États. Elle est novatrice notamment parce qu'elle considère les féminicides, les violences sexuelles et domestiques à l'encontre des femmes comme un problème social structurel et qu'elle vise à faire évoluer les mentalités au sein de la société.

Le GREVIO (Group of experts on action against violence against women and domestic violence)

La mise en œuvre de la Convention d'Istanbul est supervisée par un groupe d'expert·e·x·s indépendant·e·x·s : le GREVIO. Le groupe contrôle la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul dans les pays qui l'ont signée et peut engager des procédures d'enquête spéciales en cas d'actes de violence graves tombant sous le coup de la Convention. Le groupe d'expert·e·x·s est composé de 15 membres. Au sein de celui-ci, on veille à un équilibre entre les genres et à une expertise dans le domaine des droits humains, de l'égalité des genres, des violences à l'égard des femmes et de la violence domestique ainsi que de la protection des victimes.

Lors de l’examen individuel, le GREVIO procède à une première évaluation de l'Etat partie. Il s'ensuit des sessions régulières d'évaluation qui tiennent également compte des remarques d'autres organes du Conseil de l'Europe, d'institutions internationales, d'organisations non gouvernementales et d'institutions nationales des droits humains. Si les informations recueillies ne sont pas suffisantes, le groupe d'expert·e·x·s peut effectuer des visites dans le pays. En février 2022, le GREVIO s'est rendu en Suisse et a publié en novembre 2022 son rapport d'évaluation de référence sur la Suisse. Le Conseil fédéral doit informer le Conseil de l'Europe d'ici décembre 2025 des mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations du GREVIO.

Révision du droit pénal suisse en matière sexuelle

La Convention d'Istanbul stipule que le viol et tout acte sexuel sans consentement mutuel sont considérés comme des infractions (art. 36). Le droit pénal suisse actuel en matière sexuelle ne répond pas à cette obligation. En effet, en Suisse, la notion juridique de viol reste basée sur la contrainte : en plus d'une pénétration non voulue, seul le recours à la violence, à la menace ou à la pression psychologique constitue un viol. Cela signifie que l'on exige indirectement de la personne concernée qu'elle se défende activement. Pourtant, une « paralysie » ou un « état de choc », également appelé « freezing », est reconnu par les scientifiques comme une réaction psychologique très fréquente aux violences sexuelles.

Après quatre ans de campagne coordonnée par Amnesty International avec le soutien de plus de 80 organisations, le Parlement suisse a adopté en juin 2023 la Loi fédérale portant révision du droit pénal en matière sexuelle. Cette loi entrera en vigueur le 1er juillet 2024. Il y aura désormais viol (art. 190 CP) ou atteinte et contrainte sexuelles (art. 189 CP) dès lors que la victime aura fait comprendre à l'auteur·e·x, par des paroles ou des gestes, qu'elle ne veut pas de rapport sexuel et que l'auteur·e·x aura intentionnellement passé outre la volonté exprimée par la victime. Ces articles de loi se basent donc sur la solution du refus, dite "non, c'est non". Outre les paroles ou les gestes, l'état de sidération (freezing) dans lequel pourrait se retrouver une victime sera également considéré comme un signe de refus. Si la victime se fige de peur et ne peut donc pas exprimer son refus ou se défendre, l'auteur·e·x pourra être poursuivi pour viol ou atteinte et contrainte sexuelles pour avoir profité de cet état de choc.

Ce n'est donc plus l'utilisation d'un moyen de contrainte par l'auteur·e·x, mais le refus d'une victime qui définira à l'avenir ce qui constitue une violence pénalement répréhensible. De plus, à partir du 1er juillet 2024, l'infraction de viol sera formulée de manière neutre quant au genre, de sorte que toute personne, indépendamment de son sexe, pourra être reconnue comme victime. Jusqu’ici, l’infraction de viol ne pouvait s’appliquer qu’à des victimes de sexe féminin. En outre, le viol englobera toutes les formes de pénétrations sexuelles et ne se limitera plus uniquement à « l’acte sexuel » qui fait référence à une pénétration péno-vaginale.

En savoir plus sur la campagne d'Amnesty pour la révision du droit pénal sexuel