Les conflits armés

L’instabilité politique et les conflits armés sont des sources additionnelles de violence contre les femmes, notamment la violence sexuelle, le viol, voire même le génocide. Mais les femmes ne sont pas uniquement les victimes des conflits – elles sont également des actrices importantes en matière de règlements des conflits et en faveur de la paix. Pourtant leur voix n’est souvent pas entendue ni prise à sa juste valeur dans les efforts de paix.
Le viol comme arme de guerre

Au cours des conflits, la violence contre les femmes est souvent utilisée comme arme de guerre, pour déshumaniser les femmes ou les hommes et terroriser la communauté à laquelle ils appartiennent. On a pu observer que des civils ont été recrutés de force dans les villes et les villages et intimés de commettre des actes de violence contre des femmes. De tels actes causent de graves traumatismes tant chez les victimes que chez les hommes obligés à commettre ces actes. Lors de guerres civiles qui opposent des groupes armés, le viol et d’autres formes de violence sexuelle sont utilisés de façon ciblée pour semer la terreur.

Durant les guerres en Bosnie-Herzégovine et au Rwanda dans les années 90, les meurtres et le viol systématique et généralisé ainsi que d’autres formes de violence sexuelle ont été employés non seulement pour anéantir le moral de l’adversaire mais littéralement pour le décimer. Au  Rwanda, les viols collectifs et les mutilations et humiliations sexuelles – consistant par exemple à faire défiler des femmes tutsi nues en public – étaient des pratiques courantes. (1)

 

Souvent les femmes sont la cible de violence en raison de leur rôle de militantes ou de dirigeantes associatives (sympathisantes de l’opposition) ou du rôle de certains de leurs proches masculins au sein de la communauté.

De tels actes de violence perpétrés par des groupes armés se soustraient complètement à la justice, car leurs auteurs tendent à agir soit en opposition au pouvoir d’Etat soit dans des situations où le pouvoir d’Etat est faible ou absent.

 

Interview de Justine Masika Bihamba, coordinatrice de l’organisation «Synergie contre les violences sexuelles» à Goma, dans l’est du Congo. Cette organisation lutte contre les actes de violence sexuelle commis par des membres de l’armée congolaise et de diverses milices.

Violence contre les femmes après la guerre

Même après la guerre, le climat de violence se maintient très longtemps. Aux Etats-Unis, on a constaté qu’un grand nombre d’actes de violence domestique et de meurtres est commis par des soldats rescapés d’une situation de guerre. Une étude réalisée par l’armée nord-américaine démontre que dans les familles de membres de l’armée les «agressions graves» à l’égard des épouses sont trois fois plus fréquentes que dans d’autres familles.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dans de nombreux pays qui ont connu un conflit armé, «l’acceptation accrue de la violence et la grande prolifération d’armes» entraînent un accroissement de la violence dans les relations personnelles qui se maintient au delà du conflit en tant que tel.

Fatima, originaire de Bagdad, a été mariée à son époux à l’âge de douze ans. Depuis lors, elle vivait dans la maison de sa belle-famille où elle était traitée comme une employée domestique et frappée régulièrement. Le 21 mars 2003, elle s’est enfuie pour retourner dans sa famille mais celle-ci l’a renvoyée. Fatima raconte les retrouvailles avec son mari : «Il était furieux et a épaulé sa Kalachnikov... Je ne pensais pas qu’il allait tirer, sa soeur était debout à ses côtés... Mais il a tiré dans mes jambes, je ne les sentais plus, elles étaient engourdies.» Malgré la gravité de cet acte et la présence de plusieurs témoins, le mari de Fatima n’a pas été arrêté. (1)


La violence contre les femmes est secondaire lors des processus de paix


De plus, dans le cadre des processus de paix, la violence contre les femmes n’est souvent traitée que comme un problème marginal. Dans la plupart des cas, on omet de faire activement participer les femmes à ces processus et de traiter la question du genre. Ceci a pour conséquence que le problème de la persécution et de la violence liées au genre n’est pas réglé dans les accords de paix et de ce fait négligé lors de leur mise en œuvre.

En 2002, lors du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration d’anciens combattants au Sierra Leone, on a constaté que les expériences vécues par les nombreuses femmes et jeunes filles enlevées et forcées à des actes sexuels par les soldats rebelles n’avaient nullement été considérées. Elles n’ont de toute évidence pas été interrogées indépendamment de leurs «maris» et aucune chance n’a été accordée à celles qui auraient peut-être souhaité quitter cette relation forcée. Les femmes concernées, enceintes ou déjà mères de petits enfants, auraient urgemment eu besoin de soutien pour rentrer dans leurs familles ou se créer une nouvelle existence avec leurs enfants. (1)

Les femmes comme combattantes

Dans un grand nombre de conflits armés, les femmes ne sont pas seulement victimes mais aussi responsables de génocides. Parmi les raisons qui poussent ces femmes à se faire recruter comme combattantes on compte les conflits, le déplacement, la pauvreté et la marginalisation. Certaines sont enlevées par les groupes armés et enrôlées de force, d’autres s’enrôlent de leur propre gré.

Pour certaines jeunes filles vivant dans une culture à prédominance masculine, les uniformes, les armes et le pouvoir qu’ils représentent exercent une attirance particulière. Souvent elles adhèrent à un groupe armé parce qu’elles croient qu’elles seront traitées d’égal à égal et auront les mêmes droits que les hommes une fois qu’elles feront partie du groupe.» (1)

Le rêve de plus de liberté, de respect et d’autodétermination s’avère souvent une illusion, car les jeunes filles et les femmes qui adhèrent à un groupe armé se retrouvent fréquemment victimes d’exploitation sexuelle. La plupart du temps on les oblige à prendre des contraceptifs ou à avorter.

 


(1) Mettre fin à la violence contre les femmes. Un combat pour aujourd‘hui, Amnesty International, 2004.