Au lendemain du viol, je me suis rapidement demandé comment me comporter avec les hommes? J'ai vite recommencé à flirter, car je refusais de laisser ce que j’avais vécu me priver de nouvelles histoires. Mais ma sexualité a changé après le viol. Au début, le simple fait de penser à un pénis me dégoûtait. Je craignais d'être à nouveau intime avec quelqu'un. Il suffisait d'un parfum, d'un contact pour que mon corps se souvienne brusquement de l'agression, et se fige. Cela arrivait soudainement, pas moyen de le contrôler.
Au début, le simple fait de penser à un pénis me dégoûtait. Cindy, victime de violences sexualisées
Aujourd'hui, cela ne m’arrive que rarement, et il ne me faut que 30 secondes pour m'en remettre. Mais il y a eu des moments où, pendant une heure, des images du viol refaisaient surface. Je pouvais alors à peine bouger – même si j'étais allongée chez moi à côté d'un homme que j'appréciais. Mon ex-petit ami m'a dit un jour: «Quand nous faisons l'amour, c'est souvent comme si nous faisions un plan à trois, comme s'il y avait soudain une autre personne dans ta tête. Et un plan à trois, ça devrait en principe être quelque chose de beau.»
Quand je sortais avec quelqu'un, j'abordais le sujet de manière très ouverte. Car j'ai ensuite eu des expériences avec des types qui m'ont dit: «Eh, salope, tu m'as excité et maintenant tu dis non?» Je répondais alors : « Tiens, voilà tes chaussures, tu peux te casser. » À un moment donné, j'ai pris ma décision: si je suis honnête dès le début, l'autre saura alors pourquoi mon corps réagit comme ça et pourra y faire face différemment. Il y a eu des moments où j'ai dû dire : « Non, je ne suis pas prête pour ça, ça me dégoûte. » Je me suis demandé à plusieurs reprises: «Est-ce que je vais un jour me débarrasser de ce problème ? Est-ce que quelque chose cloche chez moi parce que je réagis comme ça ?» Je voulais simplement redevenir normale et me répétais : «Ce n'est que du sexe, n’en fais pas toute une histoire.»
Ça n'a pas toujours été facile d'accepter mes propres réactions et d'être patiente avec moi-même. Échanger avec d'autres personnes concernées m’a beaucoup aidée. Et le temps guérit les blessures, même si elles peuvent toujours se rouvrir de temps en temps. Car c'est là que j'ai réalisé que je n'avais pas tort, que je n'étais pas à côté de la plaque : la façon dont mon corps réagit et les pensées que j'ai sont tout à fait normales. Dans la société, il y a de fortes attentes sur la manière dont une victime est censée réagir avant, pendant et après l'agression. Dans la réalité, c'est souvent très différent, et la société doit le comprendre. Je m'engage activement dans ce sens. Mais être activiste est épuisant: c'est énervant de devoir toujours entendre les mêmes arguments et certains commentaires insultants. Je me dis alors que je dois faire encore plus de bruit, d'une manière ou d'une autre, pour me faire entendre de celleux qui ne m’ont pas encore comprise.