© Brigitte Lampert/ Katharina Hofer/ Anne Gabriel-Jürgens
© Brigitte Lampert/ Katharina Hofer/ Anne Gabriel-Jürgens

Suisse «Ma grossesse a été un signe de guérison»

Enregistré par Alea Rentmeister. Exposition «Nous en avon assez!», mars 2022.
Morena, violée le 21 décembre 2018.*

Lorsque j'étais enceinte de quatre mois, j'ai posté sur les réseaux sociaux une photo de mon ventre, heureuse. En dessous, quelqu'un de la famille de mon agresseur a commenté: «Il t'est arrivé quelque chose de grave. Quelqu'un qui a subi ce que tu as subi ne devrait pas avoir l'air si heureux.» D'autres personnes ont écrit des commentaires similaires. Beaucoup de gens pensent qu’une personne victime d’un viol ne peut plus aller danser, qu'il est impossible pour elle de trouver à nouveau l‘amour, de tomber enceinte ou d'avoir un joli bébé. L'image que la société se fait d'une victime de violence est très biaisée: il y a cette idée qu'une personne concernée se réfugie dans son lit pour pleurer, ne porte que des vêtements amples et ne cesse de se morfondre, mais ce n'est pas nécessairement le cas. Je veux aussi briser cette stigmatisation via les réseaux sociaux, car de nombreuses femmes qui me suivent ont elles aussi vécu des violences sexuelles. Je veux leur donner du courage, leur dire: vous avez le droit d'être heureuses, même si quelque chose comme ça vous est arrivé.

Finalement, ce qui m’a aidée, c’est mon test de grossesse positif. Il m'a permis de vouloir continuer à me battre et être à nouveau heureuse.Morena, victime de violences sexualisées

Me lancer dans une nouvelle relation était vraiment difficile. Dès le début, mon partenaire a fait preuve de beaucoup de respect et de délicatesse à mon égard. Il m'a dit que les épreuves de la vie peuvent aussi nous rendre plus forts, à condition que nous le permettions. Finalement, ce qui m’a aidée, c’est mon test de grossesse positif. Il m'a permis de vouloir continuer à me battre et être à nouveau heureuse. Ma grossesse a été pour moi un signe de guérison, après des années sans pouvoir être enceinte. Je ne voulais pas que le bébé ressente mes angoisses, c'est pourquoi j'ai enfin décidé de ne plus laisser les choses m'atteindre de si près. Avant le procès, j'étais nerveuse, mais je me sentais également forte et courageuse. Ma fille m'a donné beaucoup de force, car je savais que je le faisais aussi pour elle.

Avant sa naissance, j'ai essayé d’écarter toutes les choses qui auraient pu faire resurgir mon traumatisme. Sur la liste de mes souhaits pour l‘accouchement, j’ai écrit que j'avais subi des violences sexuelles et que je voulais que le personnel soignant demande mon consentement avant chaque examen vaginal et qu'il m'explique exactement pourquoi il m'examinait. En outre, je me suis préparée en thérapie à la manière dont je pourrais me calmer au cas où je serais fortement perturbée par des examens vaginaux. Mon accouchement n'a pas été facile; il a été intense et éprouvant, mais les sages-femmes ont fait preuve d'empathie et sont parvenues à me rassurer afin que je me sente totalement à l’aise.

Je veux être une maman forte, heureuse et courageuse pour ma fille. Je veux qu'elle et d'autres petites filles aient un futur plus agréable et qu'elles n'aient pas peur comme nous. Cela me pousse à continuer à me battre - contre les mythes, les tabous et la stigmatisation qui vont de pair avec les violences sexuelles. Et pour un droit pénal sexuel basé sur le consentement, qui fasse comprendre à tout le monde que "seul un oui est un oui“!


Selon l'actuel droit pénal suisse en matière sexuelle, l'acte n'est pas considéré comme un viol, mais comme une contrainte sexuelle.