Droit pénal sexuel en Suisse L'inscription du consentement dans la loi plébiscitée dans un sondage

Communiqué de presse du 12 avril 2022, Berne – Contact du service de presse
Le principe du consentement «Seul un oui est un oui» est la meilleure façon de protéger les personnes concernées par la violence sexuelle. C'est en tout cas ce qui ressort d’une enquête représentative à propos de la réforme du droit pénal relatif aux infractions sexuelles, commandée par Amnesty International à l’institut de recherche gfs-bern.

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« 45 % des personnes interrogées estiment que c’est la solution “Seul un oui est un oui” qui protège le mieux les personnes exposées aux violences sexuelles. La solution “Non c’est non” ne recueille que 27 % d’avis positifs. Seule une faible minorité de 13 % se prononce pour un maintien du statu quo dans le droit pénal en matière sexuelle », explique Cloé Jans de gfs-bern lors de la présentation des résultats en conférence de presse à Berne. « Le soutien à un droit pénal moderne en matière sexuelle est particulièrement élevé chez les personnes objectivement les plus concernées par la violence sexuelle : les femmes, les jeunes et les personnes queer. »

Tous les résultats de l'enquête de gfs.bern

Chez les 18-35 ans, 50 % estiment que la solution du consentement est la meilleure option pour protéger les personnes concernées, 25 % soutiennent la solution « Non c’est non » et 14 % souhaitent le maintien de la réglementation actuelle dans le droit pénal, qui ne reconnaît que le viol perpétré sous la contrainte.

Une vision problématique de la disponibilité sexuelle

La grande majorité des habitant·e·s de Suisse affirme faire preuve d’égards dans les relations et les rapports sexuels. Ils et elles s’assurent du consentement explicite de l’autre personne, respectent les limites et n’imposent ni ne tolèrent des comportements transgressifs.

Comme le souligne Cloé Jans, « l’étude fait toutefois apparaître à plusieurs reprises des groupes de personnes dont les réponses renvoient à des comportements et attitudes problématiques. Près d’une personne sur cinq interprète un consentement donné une fois par le passé comme étant un consentement à un rapport sexuel présent. Une personne sur dix pense qu’il s’agit d’un consentement si la personne dort et est sinon toujours consentante. Une personne sur dix pense que dans certaines circonstances, il est acceptable d’avoir un rapport sexuel avec sa ou son partenaire, sans qu’elle ou il n’y ait consenti ». Ces opinions problématiques à propos de la disponibilité sexuelle sont nettement plus répandues chez les hommes que chez les femmes.

Les résultats marquants de l'enquête de gfs.bern à travers 5 graphiques

« La société a longtemps toléré qu’en matière de sexualité, les hommes se « servent » selon leur bon plaisir. Cette mentalité n’a pas complètement disparu. Les résultats de l’étude attestent toutefois d’une évolution encourageante. Les hommes aussi sont de plus en plus nombreux à trouver qu’il est normal de se soucier durant toute la durée d’un rapport sexuel que les personnes impliquées se sentent bien. Ce message n’est hélas pas encore passé chez tout le monde », déplore Markus Theunert de männer.ch.

Un sondage de gfs.bern effectué en 2019 avait mis en évidence une réalité choquante concernant la violence sexuelle. Au moins une femme sur cinq a subi des actes sexuels non consentis à partir de l’âge de 16 ans et plus d’une femme sur dix un rapport sexuel contre sa volonté.

Action politique requise

Selon la présente enquête, une nette majorité des personnes interrogées (58 %) pense que c’est en particulier au Parlement d’agir pour combattre la violence sexuelle en Suisse.

« Nous appelons les parlementaires à prendre leurs responsabilités dans la lutte contre les violences sexuelles, dit Alexandra Karle, directrice d’Amnesty Suisse. Le droit pénal en matière sexuelle doit se fonder sur les réalités et les besoins des personnes les plus exposées à la violence sexuelle. La Suisse attend un droit pénal sexuel basé sur le principe du consentement. »

En ce qui concerne les délits contre l’intégrité sexuelle, le droit pénal suisse n’est pas conforme aux normes internationales en matière de droits humains comme la Convention d’Istanbul. Amnesty International s’engage activement pour la solution du consentement dans le droit pénal suisse en matière sexuelle et pour une nouvelle définition de l’infraction de viol. Un grand nombre d’organisations, expert·e·x·s, politicien·ne·x·s de divers partis et personnes qui ont subi des violences sexuelles ont appuyé cette revendication lors de la consultation, et ont appelé le Conseil fédéral et le Parlement à agir. Le Conseil des États examinera la réforme durant la session d’été.

Importance de la prévention et signification du nouveau droit pénal sexuel

Les habitant·e·x∙s de la Suisse s’accordent sur le fait qu’un oui explicite est le plus sûr moyen de s’assurer qu’un rapport sexuel est consensuel. Mais beaucoup n’en éprouvent pas moins de la peine à parler de sexe et de leurs besoins sexuels. 54 % trouvent difficile de parler de leurs préférences, besoins et limites en matière sexuelle, et 34 % d’évaluer ce que souhaite l’autre personne.

« Ces chiffres montrent qu’il y a des lacunes à combler au niveau de l’éducation et de la prévention, mais aussi au niveau de la loi », dit Cyrielle Huguenot, responsable du dossier Droits des femmes chez Amnesty Suisse. « Le thème de la communication et du consentement mutuel doit être davantage abordé dans les écoles, et il faut faire en sorte qu’il acquière plus de visibilité dans la société. Mais pour un travail de prévention efficace, il serait dommageable que la loi véhicule le message qu’en matière de sexualité, tout est permis jusqu’à ce que quelqu’un dise ‘non’ ou ‘stop’. Il est important que le droit pénal en matière sexuelle signale à la société que les actes à caractère sexuel doivent toujours reposer sur le consentement mutuel. »

Tous les résultats de l'enquête de gfs.bern