© Anne Gabriel-Juergens
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Révision du droit pénal sexuel Un marathon victorieux!

Opinion de Cyrielle Huguenot, responsable Droits des femmes à Amnesty International Suisse

Dans quelques jours, le Parlement suisse devrait clore définitivement la révision du droit pénal sexuel, après des années de délibérations. La redéfinition du viol selon le modèle « Non c’est non » améliorera l’accès à la justice pour les nombreuses victimes de violences sexuelles. Une victoire pour les droits humains en Suisse après un véritable marathon, qui a mobilisé plus de 80 organisations et 50 000 personnes pendant quatre ans.

Petit retour en arrière. En avril 2018, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) entre en vigueur en Suisse. Son article 36 oblige les parties prenantes à rendre punissable comme viol toute pénétration sexuelle commise sans consentement mutuel. Or, le code pénal suisse ne permet de punir en tant que viol que les pénétrations péno-vaginales subies sous la contrainte. Dans son message sur le projet d’harmonisation des peines du code pénal, publié fin avril 2018, le Conseil fédéral propose d’élargir la définition du viol de sorte à y inclure les pénétrations anales et orales, et de reconnaître que toute personne peut en être victime, indépendamment de son sexe. La notion de consentement est totalement absente du projet.

Amnesty se prépare pour une campagne de deux ans. Elle durera finalement le double. L’objectif pour l’année 2019 est de montrer au public et aux politiques l’ampleur des violences sexuelles en Suisse, et l’inadéquation du code pénal pour y faire face. Amnesty se tourne alors vers l’institut gfs.bern. Son mandat est de mener une enquête représentative pour mettre en lumière ce que les statistiques de la criminalité ne disent pas : le nombre de violences sexuelles que les femmes subissent et gardent pour elles, sans jamais les dénoncer à la police. En mai 2019, les chiffres font la une des médias et suscitent une onde de choc : la campagne est lancée. Depuis lors, Amnesty alimente le débat public en analysant la problématique des violences sexuelles sous différents angles et en proposant au Parlement de redéfinir le viol à partir de la notion de consentement.

Le chemin a été long pour convaincre les parlementaires. Il a fallu apporter des chiffres, rédiger des analyses juridiques, sensibiliser l’opinion publique, chercher le soutien d’organisations faîtières comme Santé sexuelle Suisse et Alliance f, et d’allié∙e∙x∙s politiques (de tous bords) et des corps professionnels concernés par les violences sexuelles : professeur∙e∙x∙s de droit pénal, avocat∙e∙x∙s, psychothérapeutes, sociologues, journalistes, artistes… Deux pétitions signées au total par plus de 50 000 personnes et le fort engagement d’un groupe de femmes concernées ont également joué un rôle central. La mobilisation des collectifs de grève féministe, les campagnes des femmes du PS et d’Operation Libero, la session des femmes 2021 et les diverses communications d’expert∙e∙x∙s de l’ONU et du Conseil de l’Europe ont donné plus de poids à nos revendications. Enfin, Amnesty Suisse a pu s’inspirer de plusieurs autres sections européennes engagées sur les mêmes thématiques.

Alors que le Conseil fédéral et de nombreux∙ses parlementaires ne voyaient pas le besoin de réforme il y a quatre ans, iels parlent maintenant de cette nouvelle loi comme d’un projet phare de la législature. Outre la révision du droit pénal sexuel, le Parlement a adopté diverses autres mesures pour une meilleure prise en charge des personnes ayant subi des violences sexuelles, comme la mise en place de centres d’accueil d’urgence, l’instauration d’un dialogue entre la Confédération et les cantons, et le vote d’une étude visant à évaluer les besoins des victimes.

À l’échelle de la société, la campagne a permis de lancer un véritable débat. La notion de consentement n’a pas seulement été traitée au Parlement, elle a été discutée dans les écoles, à la table de la cuisine et au sein des couples. Amnesty termine sa campagne avec confiance : il reste beaucoup à faire, mais de nombreuses organisations et activistes continueront à diffuser le message « Seul un oui est un oui » partout où il sera nécessaire de le faire entendre.