Des agents de la police nationale, de la police administrative et de l’unité des services généraux, agissant en collaboration avec des représentants de l’Autorité des aéroports du Kenya (KAA) et du conseil municipal, ont démoli des logements et d’autres bâtiments et expulsé les habitants du quartier informel de Kyang’ombe le 22 octobre 2011, du quartier de l’Autorité des ports du Kenya (KPA) le 29 octobre 2011, de Syokimau – qui n’est pourtant pas un bidonville – le 12 novembre 2011 et d’un secteur d’Embakasi, où des manyatta masaï ont été détruites, le 17 novembre 2011. Toutes ces zones d’habitat se trouvent à proximité de l’aéroport international Jomo Kenyatta. Des expulsions ont également eu lieu le 19 novembre 2011 dans le quartier informel de Mitumba, près de l’aéroport Wilson, à Nairobi, et le 22 novembre 2011 dans les environs de la base aérienne de Moi, à Eastleigh (Nairobi).
Expulsions orchestrées par le KAA
Ces expulsions, orchestrées ces quatre dernières semaines par le KAA, concerneraient des milliers de personnes. Les responsables du KAA soutiennent que ces opérations sont nécessaires parce que les quartiers en question se situent dans des couloirs aériens réservés et des zones aéroportuaires à accès restreint, et doivent donc être démolis pour prévenir d’éventuelles catastrophes aériennes. Cependant, Amnesty International estime que ces expulsions sont menées au mépris total des obligations qui incombent au Kenya au regard des engagements internationaux en matière de droits humains.
En effet, ces normes internationales disposent qu’une expulsion ne doit intervenir qu’en dernier recours, une fois que toutes les autres solutions possibles ont été étudiées et que des mesures satisfaisantes de garantie de procédure ont été prises. Dans deux quartiers au moins, Kyang’ombe et KPA, l’expulsion a eu lieu malgré une injonction temporaire qui ordonnait sa suspension en attendant l’examen des affaires relatives à la propriété des terrains en question.
Les habitantes n'ont pas été consultés en bonne et due forme
Avant de procéder à une expulsion, il convient de mener une véritable consultation auprès des populations concernées, de les prévenir dans un délai suffisant et raisonnable, de leur proposer une solution de relogement et une indemnisation pour les pertes subies et de leur fournir des garanties quant à la manière dont sera menée l’expulsion; ces personnes doivent également avoir accès aux procédures et voies de recours légales, y compris à une assistance judiciaire si nécessaire. Nul ne doit se retrouver sans domicile ni exposé à d’autres atteintes aux droits humains à la suite d’une expulsion. Or, les personnes expulsées ces dernières semaines à Nairobi affirment toutes qu’elles n’ont pas été prévenues dans un délai raisonnable, qu’elles n’ont pas eu la possibilité de contester leur expulsion et qu’on ne leur a pas proposé de solution de relogement. À Kyang’ombe, les expulsions se sont déroulées en pleine nuit, sans que les habitants ne soient avertis. Ils ont à peine eu le temps de sauver quelques biens avant que leurs logements ne soient démolis.
Ils ont indiqué à Amnesty International qu’environ trois mois avant les opérations d’octobre 2011 des avis d’expulsion avaient été lancés par les fenêtres d’une voiture faisant le tour du quartier. Ces documents faisaient spécifiquement référence à la nécessité de dégager le couloir aérien de l’aéroport international Jomo Kenyatta. Cependant, les habitants ne savaient pas exactement quelle était la surface couverte et ignoraient donc si les avis concernaient seulement une partie ou la totalité de la population du quartier. Selon leurs porte-parole, ils ont écrit au KAA après avoir reçu les avis pour demander des éclaircissements quant à la délimitation du couloir aérien. Ils n’ont obtenu aucune réponse. Les porte-parole ont également expliqué qu’ils avaient appris que des avis d’expulsion avaient été publiés par le KAA dans des journaux une semaine au préalable mais que la plupart des habitants, qui ne lisent pas la presse, n’en avaient pas eu connaissance.
Aucune réparation n'est prévue pour les personnes expulsées
Le ministre des Transports a déclaré le 15 novembre 2011, lors d’une allocution au Parlement, que l’État ne dédommagerait, ne réinstallerait ni ne relogerait les habitants de Kyang’ombe et d’Embakasi. Pourtant, le lendemain, la Haute Cour du Kenya a réaffirmé que les expulsions forcées constituaient une violation du droit à un logement convenable, inscrit à l’article 43 (1) (b) de la Constitution kenyane.
Amnesty International est préoccupée par le fait que les cas d’expulsions forcées évoqués plus haut aient pour toile de fond la reconnaissance explicite du droit à un logement convenable aux termes de l’article 43 (1) de la Constitution. Dans des affaires récentes, la Haute Cour s’est appuyée sur ce droit pour interdire les expulsions forcées et entériner le droit des personnes touchées à un recours efficace. Par ailleurs, l’État kenyan s’est engagé de longue date à adopter des directives juridiques sur les expulsions. Plusieurs projets et une proposition de loi ont été présentés à la société civile locale par le ministère des Terres afin d’être débattus. Les pouvoirs publics doivent empêcher les expulsions et instaurer un moratoire jusqu’à ce qu’un cadre juridique conforme aux engagements internationaux en matière de droits humains soit mis en place pour régir les procédures de ce type.