Depuis l’an 2000, plus de 2 millions de personnes ont été expulsées de chez elles illégalement. Ces expulsions forcées touchent toujours les populations les plus pauvres, les confinant dans une misère encore plus grande; d’un coup de pelle mécanique, elles ne perdent pas seulement leur logement, mais aussi tous leurs biens, leur emploi, leur tissu social.
Le 28 août 2009, les bulldozers commandés par les autorités nigérianes ont rasé le quartier de Njemanze, dans la région du front de mer de Port Harcourt. Du jour au lendemain, 17'000 personnes se sont retrouvées sans abri. Les 200'000 habitant·e·s des 40 quartiers qui subsistent sur le front de mer de Port Harcourt risquent de subir le même sort: leur cadre de vie est voué a être sacrifié pour permettre la construction d’un vaste complexe du nom de «Silverbird Showtime». Ce complexe doit accueillir des centres commerciaux et de loisirs, des bureaux, des hôtels, des appartements, un centre de conférence et un parc d’attractions.
Le droit international n’est pas respecté
Dans le contrat signé par les autorités avec les promoteurs , il est stipulé que les habitant·e·s doivent être déplacés de manière non violente. Ce qui s’est passé à Njemanze montre que les autorités ne respectent ni ce contrat, ni le droit international. Un grand nombre de personnes déplacées sont encore aujourd’hui sans logement, bien que le droit international exige que toute personne expulsée de force ait accès à une proposition de relogement.
Les expulsions forcées ne sont autorisées que sous certaines conditions strictes: les personnes concernées doivent bénéficier, longtemps avant la date de l’expulsion, d’un accès à l’information concernant leur cas, elles doivent être consultées et averties, elles doivent aussi recevoir une compensation et être relogées.
Pour l’instant les autorités nigérianes n’ont pris aucune mesure pour éviter les expulsions forcées. Les habitant·e·s de Njemanze ont reçu un avertissement seulement une semaine avant l’arrivée des bulldozers. Ils n’ont pas été consultés et n’ont eu aucune possibilité de recours légal. Une toute petite minorité d’entre eux a reçu une compensation ou une alternative de logement.
Un champ de ruines
«Partout ici, il y avait des maisons» déclare Prince Peter en désignant l’endroit où était jadis Njemanze. «Ma maison était là-bas, sous le manguier, il n’en reste plus rien ». Là où se trouvaient avant les maisons et les commerces des habitant·e·s, il n’y a maintenant plus qu’un champ de ruines peu à peu envahit par la végétation. «Quand je repense à cette journée, j’ai les larmes aux yeux, je n’arrive pas à mettre des mots sur mes émotions, ça fait trop mal. A chaque fois que j’en parle, je pleure».
Deux ans après, la majorité des habitant·e·s de Njemanze luttent encore pour leur survie. Beaucoup sont sans domicile ou vivent dans d’autres quartiers qui sont à leur tour menacés par les expulsions forcées. La vie est très dure, parce qu’ils ont aussi perdu leur source de revenus, par exemple leurs commerces, lors de la destruction de leur quartier. Beaucoup de parents n’ont plus les moyens d’envoyer leurs enfants à l’école.
Amnesty craint que les habitant·e·s des autres quartiers du front de mer subissent le même sort. Les expulsions forcées sont de graves violations des droits humains. C’est pourquoi Amnesty International demande aux autorités nigérianes:
- de mettre un terme aux expulsions forcées à Port Harcourt et d’inscrire l’interdiction de ces expulsions dans la loi;
- de garantir que les standards internationaux en matière de droits humains soient respectés à chaque étape des planifications de développement urbain, notamment en avertissant les populations concernées, en les consultant et en leur offrant des compensations et des propositions de relogement convenables.