Linus Johns, comme d'autres résidents, était chez lui lorsque les forces de sécurité lui ont tiré dessus.
© DR
L’action en justice ECW/CCJ/APP/10/10, datée du 29 octobre 2010, a été engagée par le SERAP au nom des plaignants. Ont à répondre des actes incriminés: le ministre nigérian de la Justice; Rotimi Amaechi, gouverneur de l’État de Rivers; et le ministre de la Justice et le ministre de l’Urbanisme de l’État de Rivers.
Les plaignants ont décrit les faits comme suit: «Le 12 octobre 2009, ils se sont massés à l’entrée du quartier, à proximité de la prison municipale, afin de protester contre la procédure de recensement et les démolitions envisagées. La manifestation était non violente. Vers 8 h 30 du matin, deux blindés de la police mobile (MOPOL) se sont approchés de l’entrée du quartier et se sont garés à proximité de la prison. À 9 heures, un convoi d’environ 10 véhicules appartenant à la police et à l’armée a atteint le croisement situé devant la prison. Un petit véhicule blindé se trouvant en tête du convoi a avancé sur la foule», ont également déclaré les plaignants.
Les plaignants ont aussi expliqué: «Sans aucune sommation, les soldats ont ouvert le feu. Ils ont d’abord tiré en l’air, puis ont dirigé leurs véhicules jusqu’au bout de la route. Les habitants du quartier à la tête de cette action ont dit aux gens de ne pas courir car, à ce moment-là, ils pensaient que le gouvernement ne tirerait pas pour tuer. Les soldats ont recommencé à tirer mais cette fois-ci en direction de la foule.»
Les forces de sécurité ont tiré dans le dos des fuyards
«Les manifestants ont essayé de s’enfuir mais ils ont été pris en chasse et canardés par les forces de sécurité, avant de s’éparpiller à travers le quartier. À l'exception de celles qui ont été prises pour cible à leur domicile, dans la plupart des cas les forces de sécurité ont tiré dans le dos de personnes qui tentaient de s'enfuir. Des agents armés, sans cesser de tirer, ont suivi dans le quartier des personnes qui s’enfuyaient en courant», ont ajouté les plaignants.
«Par ailleurs, le matin du 12 octobre 2009, des représentants des autorités gouvernementales – accompagnés par des membres des forces de sécurité portant: des tenues de camouflage de l’armée régulière et des casques assortis; des tenues de camouflage et des bérets rouges; des uniformes de la police mobile, des uniformes de la police mobile et des gilets pare-balles, des uniformes de police et des gilets pare-balles portant les mentions «S.O.S./Swift Ops. Squad», et des vêtements civils avec des gilets pare-balles portant la mention «JTF» – se sont rendus dans le quartier de Bundu pour effectuer un recensement et estimer la valeur des bâtiments destinés à la démolition», ont précisé les plaignants.
Les plaignants ont affirmé que «le gouvernement de l’État de Rivers, avec le soutien ou la complicité du gouvernement fédéral, prévoit des démolitions à grande échelle dans les zones d’habitation se trouvant au bord de l’eau à Port Harcourt. On dénombre plus de 40 zones d’habitat informel en bordure d’eau dans celle ville, qui font partie des secteurs les plus densément peuplés de la ville, puisqu’y vivent au moins 200 000 personnes.»
D’après les plaignants, «les démolitions à grande échelle prévues ont été décidées sans que les populations concernées ne soient consultées en bonne et due forme. Le quartier de Njemanze, proche de Bundu Ama, a été démoli en août 2009 et on estime qu’entre 13 800 et 19 000 personnes ont alors été expulsées de force de leur domicile. Plusieurs milliers de personnes, dont des enfants, des femmes et des personnes âgées, se sont retrouvées à la rue et exposées à d’autres atteintes aux droits humains.»
Les plaignants demandent à la cour de justice de la CEDEAO de leur accorder les réparations suivantes:
- Une déclaration aux termes de laquelle tirer sans discernement sur une foule composée de manifestants non armés est illégal, car:
- cela est disproportionné et ne saurait être justifié sous aucune circonstance, et constitue donc une violation des obligations et engagements du Nigeria en vertu du droit international relatif aux droits humains;
- cela porte atteinte au droit à la vie et à la sécurité ; à la dignité de la personne humaine et au droit à la santé ;
- cela a donné lieu à des violences, des manœuvres de harcèlement, des agressions, des homicides et d’autres graves violations des droits humains contre les habitants du quartier de Bundu, actes ayant bafoué les obligations qui sont celles du Nigeria en matière de droits humains au titre de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.
- Une déclaration selon laquelle le refus d’enquêter et de poursuivre les responsables présumés de ces tirs aveugles (et des homicides et blessures qui en ont résulté) est illégal, car il bafoue les obligations et engagements des accusés, en vertu desquels ceux-ci sont tenus de proposer un recours utile aux victimes de violations des droits fondamentaux, ainsi que le reconnaît la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.
- L’ordre de verser une indemnisation satisfaisante, d’un montant équivalent à 75 millions d’euros aux deuxième et onzième plaignants pour les violations commises contre leurs droits fondamentaux, qui font l’objet de cette plainte, et d’accorder tous les autres types de réparation, pouvant prendre la forme d'une restitution, d’une réhabilitation ou de garanties de non répétition, que la Cour jugera appropriés.
- Une injonction empêchant les accusés de mettre en œuvre un quelconque projet visant à effectuer un recensement en prévision de la démolition de structures et biens immobiliers dans la zone de Bundu se trouvant en bordure de rivière.
- Une ordonnance enjoignant les accusés à promouvoir, respecter, protéger, réaliser et garantir les droits des deuxième et onzième plaignants et ceux des autres habitants du quartier de Bundu ayant été victimes de graves violations des droits fondamentaux le 12 octobre 2009.