Les fonctionnaires de la municipalité de Baia Mare ont donné à 26 familles roms vivant dans le campement de Pirita jusqu'au 7 septembre au matin pour démonter leurs maisons, faute de quoi les autorités interviendront et démoliront les logements, laissant tout le monde à la rue.
Détail particulièrement cruel, les responsables locaux ont déclaré que les familles roms expulsées auraient à rembourser les frais de démolition.
«Il s'agit d'une initiative choquante, une initiative pour expulser de leur maison des familles roms – dont certaines vivent à Pirita depuis plusieurs années – sans consultation préalable et sans qu'une véritable solution de relogement ne leur soit proposée, conformément aux normes internationales», a déclaré David Diaz-Jogeix, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d'Amnesty International.
«À Pirita comme dans les autres campements, les expulsions ne doivent être menées qu'en dernier ressort, lorsque toutes les solutions alternatives ont été examinées. Il faut tout faire pour éviter les expulsions forcées, et toute réinstallation doit être conduite dans le respect des normes internationales relatives aux droits humains.»
«Les événements de Pirita s'inscrivent apparemment dans le cadre d'un plan concerté visant à expulser de force les populations roms de Baia Mare et des environs, qui laisserait à la rue des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants roms.»
Un plan plus large
Pirita est l'un des cinq campements roms illégaux de Baia Mare. Les quatre autres sont Craica, Ferneziu, Valea Borcutului et Horea.
Les habitants ont fait part aux délégués d'Amnesty International qui se sont rendus sur place à plusieurs reprises de leurs peurs et de l'insécurité dans laquelle ils vivent, sous la menace constante d'une expulsion forcée, sans autorisation officielle d'occuper les lieux et sans être suffisamment informés à propos des décisions des autorités locales qui ont des répercussions sur leur vie.
Les autorités de Baia Mare ont déjà annoncé à deux reprises – en juillet 2010 et août 2011 – qu'elles allaient expulser les Roms et les autres habitants des cinq campements illégaux. Mais face au concert de critiques dans le pays et parmi la communauté internationale, elles avaient suspendu leurs projets.
En avril 2012, les autorités municipales ont notifié un arrêté de démolition à quelque 300 familles roms vivant dans des campements illégaux, dont Pirita.
Dans les mois qui ont suivi, des dizaines de familles ont été relogées dans trois anciens bâtiments de bureaux de l'usine chimique CUPROM, à la périphérie de la ville. Cette solution n'est pas conforme aux critères définissant une solution de relogement appropriée.
Le 7 juin, Amnesty International a appuyé les appels lancés par plus de 30 ONG roumaines qui ont manifesté à Bucarest, la capitale du pays, pour protester contre la réinstallation des familles roms de Baia Mare sans véritable consultation préalable.
Des «poches de pauvreté»
La démolition de Pirita et l'évacuation de ses habitants figurait en tête du programme politique du nouveau maire de Baia Mare, Catalin Chereches, élu en juin de cette année.
Il a réaffirmé, peu après son entrée en fonction, sa volonté d'éliminer les «poches de pauvreté» dans la ville. Il s'agit notamment de démolir Pirita et Craica – après avoir vu les campements roms depuis le ciel, alors qu'il participait à une manifestation de parachutisme, il a déclaré que ces quartiers pouvaient être rasés en moins d'une heure.
Pour les autorités locales, la démolition se justifie par le fait que les logements ont été construits sans autorisation légale. Mais un grand nombre de familles roms vivent ici depuis des années, sans que les autorités ne trouvent à y redire.
Amnesty International a fait valoir auprès de la municipalité de Baia Mare que son projet d'expulsion des familles roms semblait totalement dépourvu de garanties en matière de droits humains.
«Les autorités de Baia Mare doivent de toute urgence entamer une véritable consultation avec leurs concitoyens roms, afin de mettre au point des solutions de relogement viables, conformément aux critères reconnus en matière de logement adéquat», a déclaré David Diaz-Jogeix.