Tawfiq Salem, Cisjordanie «Comment pouvez-vous me prendre ma terre, simplement parce que vous disposez des armes?»

Tawfiq Salem, 60 ans, vit avec sa femme, ses sept enfants et deux petits enfants en Cisjordanie.
Tawfiq Salem a perdu ses oliviers © AI Tawfiq Salem a perdu ses oliviers © AI

J’avais 5 hectares de terres. Les bulldozers sont venus et ont déraciné tous mes oliviers: 500 oliviers, plus 200 qui  appartenaient à mon frère. C’était le 1er décembre 2004, j’étais en train de dormir chez moi quand quelqu’un a frappé à ma porte en criant: «Les Israéliens sont en train de déraciner tes arbres!» Alors je suis sorti sur le balcon d’où je pouvais voir mes terres, j’ai vu les bulldozers, et je me suis écroulé sur le sol. Puis, je suis allé chez Ibrahim, il m’a donné du café, m’a dit de me calmer et d’aller au bureau administratif de l’armée israélienne. Alors j’y suis allé, dans la voiture d’un parent, avec ma carte d’identité et mes titres de propriété et j’ai dit au responsable présent: «Ils sont en train de déraciner mes   arbres!» Il a répliqué: «Ce ne sont pas tes terres!» J’ai dit: «Si, j’ai les titres de propriété, ce sont mes terres à 100%!» Il m’a emmené en jeep de l’armée, avec l’officier chargé des questions foncières au bureau d’administration du district, et nous nous sommes rendus sur le site. Ils avaient déjà déraciné 117 arbres. L’officier les a stoppés et leur a dit d’arrêter de travailler, et ils ont quitté le terrain. J’ai mis deux poignées de terre dans ma poche au cas où je ne puisse plus y revenir, afin que nous n’oublions pas, mes enfants et moi.

Et puis le 10 décembre, les bulldozers de l’armée israélienne sont revenus et ont de nouveau commencé à déraciner les arbres. Ma famille et moi y sommes allés et nous avons brisé les vitres d’un bulldozer. Une unité armée a alors été appelée et ils nous ont enlevés de force de nos terres. J’ai demandé au chef: «Si c’est ta voiture, je peux te la prendre?» Il a répondu: «Non!» Alors je lui ai dit: «Comment pouvez-vous me prendre ma terre, simplement parce que vous disposez des armes?»

L’officier est revenu et leur a demandé de partir, mais ils avaient déjà déraciné tous les arbres qu’ils voulaient pour les emmener en Israël.

Alors chaque jour je viens à cet endroit regarder mes terres, je regarde simplement ma terre, avec douleur. Chaque jour je viens voir mes terres.

Je ne vis pas. Je suis mort. Avant nous avions des olives, des oranges, des légumes et nous étions heureux; maintenant nous n’avons plus rien.