Un groupe de femmes expriment leur soutien pour la campagne d'Amnesty International sur la mortalité maternelle, à Kaya, Burkina Faso. © AI
Un groupe de femmes expriment leur soutien pour la campagne d'Amnesty International sur la mortalité maternelle, à Kaya, Burkina Faso. © AI

Sommet de la Francophonie à Montreux Les bonnes intentions en matière de droits humains ne suffisent pas

Amnesty International ne veut pas que les engagements en matière de gouvernance et de droits humains pris à Bamako en l’an 2000 par la Francophonie restent une liste de bonnes intentions. Dans une lettre ouverte envoyée aux chefs et cheffes des Etats francophones et présentée aujourd’hui aux médias, Amnesty International leur demande de faire un bilan transparent et public des mesures prises à ce jour pour la mise en œuvre de leurs promesses. L’organisation de défense des droits humains exige également que la Francophonie condamne explicitement toute mesure discriminatoire entre Etats francophones, à l’exemple du profilage ethnique des Roms.

«En juillet dernier, le Tchad a accueilli sur son territoire le président soudanais Omar el Béchir, pourtant sous mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale. Le Tchad a violé ses obligations aux termes du Statut de Rome de la CPI, qu'il a ratifié en novembre 2006. Par cette attitude, il compromet les engagements pris par la Francophonie lors du Sommet de Bamako, il y a dix ans, notamment l’engagement de "lutter contre l’impunité et d’adopter toutes les mesures permettant de poursuivre et de sanctionner les auteurs de violations graves des droits de l’Homme"», a déploré Daniel Bolomey, secrétaire général de la section suisse d’Amnesty International, lors d’une conférence de presse tenue à Montreux la veille de l’ouverture du Sommet de la Francophonie.

Dans une lettre ouverte des sections francophones d’Amnesty International à tous les chefs d’Etats membres de la Francophonie, l’organisation de défense des droits humains a réclamé qu’un bilan soit fait des engagements pris il y a dix ans en matière de démocratie, de gouvernance et de respect des droits humains, et que des mesures soient prises pour atteindre enfin la réalisation de ces engagements. «Sans un bilan public et transparent, la Déclaration de Bamako restera une liste de bonnes intentions, ce qui serait sans conteste un échec pour le Sommet de Montreux et pour la Francophonie en général», a ajouté Daniel Bolomey.

Mesures discriminatoires entre Etats francophones

Amnesty International est particulièrement préoccupée par la discrimination exercée par certains Etats membres de la Francophonie contre des ressortissantes et ressortissants de minorités ethniques, à l’exemple des Roms, et appelle la Francophonie à ne tolérer sous aucun prétexte des mesures discriminatoires et stigmatisantes prises par l’un de ses Etats membres. «La circulaire du 5 août du ministère français de l’Intérieur visant à démanteler des camps illicites de Roms, provenant notamment d’autres Etats membres de la Francophonie comme la Roumanie et la Bulgarie, représente un profilage ethnique qui ne saurait avoir sa place au sein de la Francophonie», a dénoncé Philippe Hensmans, directeur de la section Belgique francophone d’Amnesty International. «La Francophonie doit condamner explicitement toute mesure discriminatoire entre Etats francophones. Quant aux Etats qui comptent des minorités ethniques présentes sur leur territoire, elle doit impérativement les appeler à respecter leurs droits fondamentaux et à cesser toute discrimination, comme le fait de scolariser des enfants roms dans des classes pour handicapés mentaux ou le fait d’expulser par la force des familles roms sans consultation et sans leur proposer d’alternative.»

Objectifs du millénaire pour le développement: un rôle pour la Francophonie

Si la Francophonie veut réellement promouvoir le respect des droits humains, elle devrait jouer un rôle accru dans la mise en œuvre des Objectifs du millénaire pour le développement et notamment de l’objectif  visant à réduire la mortalité maternelle qui concerne de nombreux pays membres de la Francophonie. «Pour atteindre l’objectif de réduire la mortalité maternelle, un engagement fort des Etats francophones est essentiel», a souligné Paule Rigaud, responsable de campagne d’Amnesty International sur l’Afrique de l’Ouest. «Il ne s’agit pas seulement d’augmenter les budgets de la santé ou de l’aide au développement. Les Etats doivent également mettre fin aux discriminations qui aggravent le risque de mortalité maternelle: les mariages précoces et forcés, les mutilations génitales féminines, le manque d’autonomie des femmes dans les décisions concernant leur vie sexuelle et reproductive.»

Le gouvernement du Burkina Faso, par exemple, a élaboré des stratégies ambitieuses qui ont fait baisser le taux de mortalité maternelle dans certaines régions du pays avec notamment depuis 2006 la mise en place d’une politique de subvention des soins obstétricaux à 80 % (100% pour les femmes indigentes). «Quatre ans plus tard, le coût restant à la charge des familles constitue toujours, pour de trop nombreuses femmes, un obstacle les empêchant d’accéder aux soins obstétricaux et les familles continuent à payer des services censés être gratuits», a expliqué Aïcha Kaboré Zoungrana, présidente de la section burkinabè d’Amnesty International. «En février 2010  le président Blaise Compaoré s'est engagé publiquement à lever tous les obstacles financiers aux soins obstétricaux d'urgence et à l'accès à la planification familiale. Il est temps que ces mesures soient mises en œuvre.»

Amnesty International appelle la Francophonie à prendre des mesures urgentes en vue d’améliorer l’accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs pour toutes les femmes, en particulier les femmes africaines, sans discrimination ethnique, géographique ou autre. Une table ronde sur ce thème est organisée par Amnesty International dans le cadre du Sommet de la Francophonie, le samedi 23 octobre à Montreux.

Communiqué de presse publié le 21 octobre 2010, Montreux.
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