Près de 1500 personnes, activistes, diplomates, ministres, parlementaires, avocat·e·s, juges et représentant·e·s du monde académique se sont réunies du 12 au 15 juin à Madrid à l’occasion du 5ème congrès mondial contre la peine de mort. L’occasion de faire le point, de s’informer et d’échanger sur et autour de la peine capitale.
A quoi bon réunir la fine fleur de la lutte pour l’abolition? Ne s’agit-il pas d’un exercice d’autocongratulation face aux progrès, lents mais inexorables, de la cause abolitionniste? Ne tourne-t-on pas en rond dans des discussions entre convaincu·e·s et qui, par conséquent, ne conduisent nulle part? S’agit-il au contraire de se remotiver au sein d’un mouvement qui a tendance à s’essouffler à force de ressasser les mêmes arguments?
C’est probablement un peu de tout cela. Et si on a parfois eu l’impression d’entendre les mêmes discours que lors du congrès de Genève de 2010, des voix nouvelles se sont fait entendre, porteuses d’espoir.
Ainsi, lors de la cérémonie d’ouverture, le Président tunisien Moncef Marzouki, par la voix de son porte-parole, s’est formellement engagé à abolir la peine de mort dans son pays. L’archevêque et lauréat du Prix Nobel de la paix, Desmond Tutu, autoproclamé «prisonnier de l’espoir», a rappelé à sa manière que les seules luttes qui se perdent sont celles que l’on abandonne.
Ne sont pas venu témoigner que les grands de ce monde. Le témoignage d’une femme marocaine qui a perdu son mari et son fils dans l’attentat de Casablanca, en 2003, a montré que même les douleurs les plus atroces ne réclament pas forcément la vengeance pour être apaisées. Elle-même est devenue vice-présidente de la Coalition marocaine contre la peine de mort. Moment fort également, les propos de cet ancien bourreau qui, après 62 exécutions, est devenu l’un des plus fervents partisans de l’abolition.
Mais tous ces encouragements ne doivent pas nous faire oublier que tous les jours en 2012, dans 22 pays du monde, on a procédé à des exécutions. Il faut donc continuer la lutte, trouver de nouveaux arguments, expliquer encore et encore que la peine de mort n’a aucun effet dissuasif. Qu’elle n’est requise par aucune religion, qu’elle coûte plus cher que de longs séjours en prison et que, par dessus tout, elle est irréversible et ne tolère par conséquent aucune erreur.
L’abolition faisant l’unanimité, il a fallu, dans les discussions, aller au-delà de ce simple sujet. Le problème complexe des sanctions alternatives a longuement été discuté. La détention à vie, sans possibilité de libération ne saurait être une solution dans les pays où les conditions de détention sont telles que l’espérance de vie des détenu·e·s est très courte. Elle devient alors une forme déguisée - et qui plus est perverse- de la condamnation à mort: une mort à petit feu.
La détention à vie a par ailleurs un effet non négligeable sur la (sur)population carcérale et favorise, notamment aux USA, la privatisation des lieux de détention, avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer. Certaines entreprises de sécurité –pas particulièrement reconnues pour leur philanthropie - l’ont d’ailleurs bien compris, puisqu’elles ont déjà proposé à des ONG de financer leurs campagnes en faveur de l’abolition!
Dans un autre domaine, l’une des propositions les plus intéressantes a émané de la Baronne de Vauxhall, membre de la Chambre des Lords britannique. Elle préconise la création d’un réseau international de parlementaires engagés pour l’abolition. «Dans chaque Etat qui maintient la peine capitale il existe des membres du Parlement qui, à titre personnel, y sont opposé·e·s. Ces personnes doivent être soutenues. Qui d’autre que leurs pairs seraient mieux à même de le faire?» Une piste à explorer, y compris en Suisse.
Le Congrès de Madrid aura ainsi été une formidable boîte à idées où chacun et chacune a pu puiser des outils pour un engagement renouvelé et pour de nouvelles approches du problème. Les batteries ont été rechargées et les militant·e·s sont rentré·e·s chez eux, à Hong Kong, Berlin, Cotonou ou la Havane. Quelle que soit leur fonction, ministre ou simples militant·e·s d’une ONG, leur combat a repris de plus belle.