En Chine, les informations sur le recours à la peine capitale demeurent secrètes, et les autorités continuent d'exécuter chaque année des milliers de personnes, indique Amnesty International dans son rapport mondial sur le recours à la peine de mort en 2016.
Vers le rapport peine de mort 2016
La Chine dissimule les vrais chiffres
Les conclusions de la nouvelle enquête approfondie menée par Amnesty International montrent que les autorités chinoises utilisent un système élaboré pour garder le secret sur l'ampleur des exécutions dans le pays, alors que la Chine ne cesse d'affirmer qu'elle a accompli des progrès quant à la transparence en matière judiciaire.
Si l'on n'inclut pas la Chine, les États à travers le monde ont exécuté 1032 personnes en 2016.
Si l'on n'inclut pas la Chine, les États à travers le monde ont exécuté 1032 personnes en 2016. La Chine a exécuté davantage de condamnés que tous les autres pays réunis, et les États-Unis ont connu en matière de recours à la peine de mort leur plus bas historique en 2016.
«La Chine veut jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale, mais en matière de peine de mort elle joue le pire des rôles en exécutant chaque année davantage de condamnés que tout autre pays au monde», a déclaré Salil Shetty. «Le gouvernement chinois a reconnu qu'il est en retard en matière d'ouverture et de transparence judiciaire, mais il persiste à cacher activement la véritable ampleur des exécutions. Il est grand temps pour la Chine de lever le voile sur ce secret et de dire enfin la vérité sur son recours à la peine de mort.»
«Il n'y a qu'une poignée de pays qui continuent d'exécuter massivement des condamnés. La plupart des pays ne laissent plus l'État prendre la vie d'êtres humains. Sachant que quatre pays seulement sont responsables de 87% de l'ensemble des exécutions recensées à travers le monde, la peine de mort vit elle-même ses dernières heures.»
La transparence trompeuse de la Chine
L'enquête menée par Amnesty International montre que des centaines de cas de peine de mort signalés ne figurent pas dans la base de données nationale en ligne des tribunaux, qui avait été présentée comme «une avancée cruciale en matière d'ouverture». Cette base de données ne contient qu'une infime partie des milliers de cas decondamnations à mort prononcées chaque année en Chine selon les estimations d'Amnesty International ; cela traduit le fait que le gouvernement chinois continue de garder presque totalement secret le nombre de personnes condamnées à mort et exécutées dans le pays.
Le gouvernement chinois continue de garder presque totalement secret le nombre de personnes condamnées à mort et exécutées dans le pays.
Amnesty International a trouvé dans des articles publiés par les médias des informations faisant état de 931 exécutions de condamnés entre 2014 et 2016 (ce qui ne représente qu'une fraction du nombre total d'exécutions), mais 85 d'entre elles seulement figurent dans la base de données. La base de données ne contient pas non plus d'informations sur les ressortissants étrangers condamnés à mort pour des infractions liées aux stupéfiants, alors même que les médias ont fait état d'au moins 11 exécutions de ressortissants étrangers. N'y figurent pas non plus les cas relatifs au « terrorisme » et aux infractions liées aux stupéfiants.
«Le gouvernement chinois met en avant des révélations partielles et des affirmations invérifiables pour prouver qu'il a accompli des progrès en ce qui concerne la réduction du nombre d'exécutions, tout en maintenant un secret quasi absolu. Cela est délibérément trompeur», a déclaré Salil Shetty. «La Chine représente une anomalie à l'échelle du monde en ce qui concerne la peine de mort, ce pays étant déphasé des normes juridiques internationales et sourd aux demandes répétées que les Nations unies lui ont adressées pour qu'il indique le nombre de personnes qu'il a exécutées.»
Au cours des dernières années, le risque de voir des personnes exécutées pour des crimes qu'elles n'ont pas commis a suscité une inquiétude de plus en plus vive au sein du public en Chine. En décembre 2016, la Cour populaire suprême a annulé la condamnation prononcée à tort dans un cas particulièrement emblématique d’erreur judiciaire et d'exécution injustifiée; Nie Shubin avait été exécuté 21 ans plus tôt, à l'âge de 20 ans. En 2016, des tribunaux chinois ont décidé que quatre condamnés à mort étaient innocents, et annulé leur condamnation.
Révélations sur les vagues d'exécutions au Viêt-Nam
De nouvelles informations ont permis de révéler qu'au Viêt-Nam, le nombre d'exécutions était encore plus élevé que ce que l'on pensait. Des informations publiées pour la première fois par des médias vietnamiens en février 2017, indiquent que le pays se plaçait, sans qu'on le sache, au troisième rang des pays ayant procédé au plus grand nombre d'exécutions, avec 429 exécutions entre le 6 août 2013 et le 30 juin 2016. Seuls la Chine et l'Iran ont procédé à un plus grand nombre d'exécutions au cours de cette même période.
«Le nombre énorme d'exécutions qui ont eu lieu au Viêt-Nam ces dernières années est terrifiant. Cette frénésie d'exécutions masque totalement les réformes récemment adoptées concernant la peine de mort. On se demande combien d'autres personnes ont été condamnées à mort sans que le monde le sache», a déclaré Salil Shetty.
Cette politique du secret se retrouve aussi en Malaisie, où les pressions exercées par le Parlement en 2016 ont permis de savoir que plus d'un millier de personnes se trouvaient dans le quartier des condamnés à mort, et que neuf condamnés ont été exécutés en 2016, ces chiffres étant beaucoup plus élevés que ce que l'on pensait.
Par ailleurs, l'idée selon laquelle la criminalité justifie la peine de mort continue de s'implanter dans d'autres pays de la région. Ainsi, les Philippines veulent rétablir ce châtiment (aboli en 2006), et les Maldives menacent de reprendre les exécutions après une trêve de plus de 60 ans.
Les États-Unis ont quitté le quintet de tête pour la première fois depuis 2006
Pour la première fois depuis 2006, les États-Unis ne font pas partie des cinq pays ayant exécuté le plus grand nombre de condamnés. Le nombre d'exécutions (20) recensées en 2016 est le plus faible enregistré depuis 1991, et il est moitié moins élevé que celui de 1996, et presque cinq fois plus faible que celui de 1999. Le nombre d'exécutions baisse chaque année depuis 2009, à l'exception de 2012 où il est resté identique.
Pour la première fois depuis 2006, les États-Unis ne font pas partie des cinq pays ayant exécuté le plus grand nombre de condamnés.
Le nombre de condamnations à mort (32) est le plus faible enregistré depuis 1973, ce qui montre clairement que les juges, les procureurs et les jurés se détournent de la peine de mort comme moyen de rendre justice. Toutefois, 2 832 personnes se trouvent toujours dans le couloir de la mort aux États-Unis.
Si l'on assiste manifestement à un revirement, la baisse du nombre d'exécutions est due en partie à des recours en justice portant sur les protocoles d’injection létale et à des difficultés pour se procurer les substances utilisées pour les exécutions dans plusieurs États. Comme des décisions vont probablement être rendues dans certains cas de recours portant sur l’injection létale, le nombre d'exécutions va peut-être à nouveau augmenter en 2017.
Cinq États seulement ont procédé à des exécutions en 2016 : L'Alabama (2), la Floride (1), la Géorgie (9), le Missouri (1) et le Texas (7), le Texas et la Géorgie représentant 80 % des exécutions recensées dans le pays en 2016. Par ailleurs, 12 États n'ayant pas encore aboli ce châtiment n'ont procédé à aucune exécution depuis au moins 10 ans.
«Le recul continu du recours à la peine de mort aux États-Unis donne de l'espoir aux militants qui mènent campagne depuis des années pour éradiquer ce châtiment. La tendance est manifestement en train de s'inverser. Les représentants politiques doivent se tenir à distance de la doctrine de l'« intransigeance en matière de criminalité», qui a contribué à une forte hausse du nombre d'exécutions dans les années 1980 et 1990. La peine de mort ne permet pas d'améliorer la sécurité.
«Les cinq États isolés qui ont procédé à des exécutions l'an dernier sont en retard sur leur temps. Ils vont à l'encontre de la tendance non seulement mondiale, mais aussi régionale. Depuis huit ans à présent, les États-Unis sont le seul pays du continent américain à pratiquer des exécutions.»
La peine de mort en Suisse
En Suisse, la dernière exécution d’un civil a eu lieu en 1940. Mais la peine de mort n’a été totalement abolie qu’en en 1992, avec une modification du Code pénal militaire. Depuis lors, notre pays continue de s’engager en faveur de l’abolition aussi bien au niveau multilatéral qu’au niveau bilatéral. Le Conseiller fédéral Didier Burkhalter a fait de ce thème l’un de ses chefs de bataille dans le domaine des droits humains, et le Parlement fédéral n’est pas en reste puisqu’un groupe de parlementaires contre la peine de mort s’est créé en 2014, dans lequel on trouve des représentants de tous les partis gouvernementaux. Ce groupe informel s’est déjà engagé à plusieurs reprises auprès de parlements et de gouvernements étrangers, soit pour demander la grâce d’un condamné à mort soit pour promouvoir l’abolition.