L'Afrique subsaharienne a réalisé d'importants progrès en vue de l'abolition de la peine de mort, avec une diminution significative du nombre de condamnations à mort recensées dans toute la région, souligne Amnesty International dans son rapport mondial Condamnations à mort et exécutions 2017, rendu public le 12 avril 2018.
La Guinée est devenue le 20e État de l'Afrique subsaharienne ayant aboli la peine de mort pour tous les crimes. Le Kenya a supprimé le recours obligatoire à ce châtiment en cas de meurtre. Le Burkina Faso et le Tchad ont également pris des mesures législatives en direction de l’abolition et le nouveau chef de l'État gambien a mis en place en février 2018 un moratoire officiel sur les exécutions.
«Si la tendance se maintient, les pays qui continuent à travers le monde de procéder à des exécutions vont se retrouver extrêmement isolés.»Alain Bovard, juriste à la Section suisse d’Amnesty International
«Du fait des progrès enregistrés en Afrique subsaharienne, cette région continue de représenter une source d'espoir en ce qui concerne l'abolition. Les dirigeants de certains pays de la région ont pris des mesures qui permettent d'espérer que le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit sera prochainement aboli», a déclaré Alain Bovard, juriste à la Section suisse d’Amnesty International. «Si la tendance se maintient, les pays qui continuent à travers le monde de procéder à des exécutions vont se retrouver extrêmement isolés.»
Des avancées notables dans le reste du monde
Des tendances positives sont par ailleurs relevées dans le reste du monde, les recherches d'Amnesty International indiquant un nouveau recul du recours à la peine de mort en 2017 à l'échelle mondiale.
Amnesty International a recensé au moins 993 exécutions dans 23 pays en 2017, soit 4 % de moins qu'en 2016 (où 1 032 exécutions avaient été enregistrées) et 39 % de moins qu'en 2015 (année où l'organisation avait relevé le chiffre le plus élevé depuis 1989 : 1634 exécutions). L'organisation a enregistré au moins 2591 condamnations à mort dans 53 pays en 2017, ce qui représente une baisse notable par rapport au chiffre record de 3117 enregistré en 2016. Ces chiffres n'incluent pas les milliers de sentences capitales prononcées en Chine et d'exécutions ayant eu lieu dans ce pays selon Amnesty International, car les statistiques en la matière y relèvent toujours du secret d’État.
La Mongolie a aboli la peine de mort pour tous les crimes, ce qui a porté le nombre total de pays abolitionnistes à 106 en 2017. Comme le Guatemala est devenu abolitionniste pour les crimes de droit commun tels que le meurtre, le nombre de pays ayant aboli la peine de mort en droit ou en pratique est passé à 142. Seuls 23 pays continuaient en 2017 de procéder à des exécutions, ce chiffre étant inchangé par rapport à 2016 alors même que plusieurs États ont repris les exécutions après une interruption.
D'importantes mesures ont également été prises pour restreindre le recours à la peine de mort dans des pays qui sont pourtant de fervents défenseurs de ce châtiment. En Iran, le nombre d'exécutions recensées a diminué de 11 % et le nombre d'exécutions de personnes condamnées pour des infractions liées aux stupéfiants a baissé de 40 %. Des mesures ont été prises pour relever le seuil de la quantité minimale de drogue à partir de laquelle la peine de mort est obligatoirement prononcée. En Malaisie, des lois relatives aux stupéfiants ont été modifiées afin de laisser aux juges une certaine latitude dans le choix de la peine en cas de trafic de drogue. Ces modifications vont vraisemblablement conduire à une réduction du nombre de sentences capitales prononcées dans ces deux pays à l'avenir.
«Il est navrant de constater que des pays continuent de recourir à la peine de mort pour sanctionner des infractions liées aux stupéfiants. Toutefois, les mesures prises par l'Iran et la Malaisie pour modifier leur législation montrent bien que les choses sont en train de changer, même dans la minorité de pays qui continuent de procéder à des exécutions», a déclaré Alain Bovard.
Recours à la peine de mort en matière de stupéfiants en hausse
Quinze pays ont prononcé des peines capitales ou exécuté des personnes pour des infractions liées aux stupéfiants, en violation des dispositions du droit international. Si, en 2017, la majeure partie des exécutions dans des affaires de stupéfiants ont été enregistrées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, c'est dans la région Asie-Pacifique que se trouvent le plus grand nombre de pays ayant recours à la peine capitale pour ce type d'infractions (10 sur 16).
Amnesty International a recensé des exécutions de personnes condamnées pour des infractions liées aux stupéfiants dans quatre pays: l'Arabie saoudite, la Chine (où les statistiques sont classées secret d'État), l'Iran et Singapour. En raison du secret qui entoure les questions relatives à la peine de mort en Malaisie et au Viêt-Nam, il a été impossible de savoir si des exécutions ont eu lieu dans ces pays dans des affaires liées aux stupéfiants. Singapour a procédé à huit exécutions par pendaison en 2017, à chaque fois dans des affaires liées aux stupéfiants, ce chiffre étant deux fois plus élevé qu'en 2016. Une tendance similaire a été notée concernant l'Arabie saoudite, où le nombre d'exécutions par décapitation dans des affaires liées aux stupéfiants a connu une très forte hausse, passant de 16 % du nombre total d'exécutions recensées en 2016 à 40 % en 2017.
«Les mesures draconiennes massivement mises en œuvre pour lutter contre les infractions liées aux stupéfiants au Moyen-Orient et dans la région Asie et Pacifique n'ont absolument pas permis de régler ce problème.» a encore déclaré Alain Bovard.
Infractions au droit international
Des gouvernements ont par ailleurs violé en 2017 plusieurs autres interdictions édictées par le droit international. Cinq personnes au moins en Iran ont été exécutées pour des crimes commis alors qu'elles étaient âgées de moins de 18 ans et 80 autres au moins se trouvaient toujours dans le quartier des condamnés à mort. Des personnes présentant un handicap mental ou intellectuel ont été exécutées ou étaient sous le coup d'une sentence capitale au Japon, aux Maldives, au Pakistan, à Singapour et aux États-Unis. Amnesty International a enregistré plusieurs cas de personnes condamnées à mort qui avaient «avoué» des crimes après avoir été soumises à la torture ou à d'autres mauvais traitements en Arabie saoudite, à Bahreïn, en Chine, en Iran et en Irak.
Même si le nombre total de pays procédant à des exécutions est resté inchangé, Bahreïn, la Jordanie, le Koweït et les Émirats arabes unis ont repris les exécutions après une interruption. En Égypte, le nombre de sentences capitales recensées a augmenté de près de 70 % par rapport à 2016.
Un regard vers l'avenir
À la connaissance d'Amnesty International, au moins 21’919 personnes dans le monde se trouvent aujourd’hui dans les couloirs de la mort. Le moment est donc loin d’être venu de relâcher la pression. Même si des mesures positives ont été prises en 2017 – dont le plein effet se mesurera dans les mois et les années à venir – certains pays prennent des mesures rétrogrades, ou menacent de le faire. La campagne permanente contre la peine de mort reste d'une importance toujours aussi fondamentale.
«Au cours des 40 dernières années, Amnesty International a assisté à un énorme changement dans le bon sens en ce qui concerne le recours à la peine de mort à travers le monde, mais il est nécessaire de continuer d'intervenir de toute urgence pour mettre fin à cette abominable pratique que constituent les homicides commis par l'État», a déclaré Alain Bovard.