Des activistes manifestent contre l'exécution de Richard Glossip, à Oklahoma City, le 15 septembre 2015. © Reuters | Cliquer sur l'image pour plus de faits et de chiffres
Des activistes manifestent contre l'exécution de Richard Glossip, à Oklahoma City, le 15 septembre 2015. © Reuters | Cliquer sur l'image pour plus de faits et de chiffres

Rapport 2020 sur la peine de mort Malgré la pandémie de COVID-19, certains pays continuent de procéder à des exécutions

Communiqué de presse publié le 21 avril 2021, Londres - Berne. Contact du service de presse
Les difficultés sans précédent engendrées par la pandémie de COVID-19 n’ont pas suffi à dissuader 18 pays de procéder à des exécutions en 2020. Alors que la tendance globale est au recul, certains pays n’ont pas ralenti le rythme des exécutions – l’accélérant même, dans certains cas –, ce qui témoigne d’un mépris terrifiant pour la vie humaine, dans un contexte où le monde cherche à protéger la population face à un virus mortel.

Figurent au nombre des pays qui ont en 2020 procédé à des exécutions l’Égypte, où le nombre d’exécutions a triplé par rapport à 2019, et la Chine, où la répression annoncée des infractions liées aux mesures de prévention visant à juguler la pandémie de COVID-19 a abouti à la condamnation à mort et à l’exécution d’une personne au moins. Parallèlement à cela, le gouvernement de Donald Trump aux États-Unis a repris les exécutions fédérales après une pause de 17 ans, et a mis à mort 10 hommes en moins de six mois. L’Inde, Oman, le Qatar et Taiwan ont également repris les exécutions en 2020.

«La peine de mort est un châtiment abominable, et la poursuite des exécutions en pleine période de pandémie ne fait que souligner davantage encore la cruauté qui lui est inhérente.» Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International

«Alors qu’un combat a été livré à travers le monde pour protéger la vie des personnes face à la pandémie de COVID-19, plusieurs gouvernements se sont de façon inquiétante acharnés à recourir à la peine de mort et à procéder à tout prix à des exécutions, a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.

«La peine de mort est un châtiment abominable, et la poursuite des exécutions en pleine période de pandémie ne fait que souligner davantage encore la cruauté qui lui est inhérente. En raison de la pandémie, de nombreuses personnes sous le coup d’une sentence capitale n’ont pas pu avoir accès en personne à un avocat·e. Le recours à la peine de mort dans de telles conditions constitue une attaque particulièrement odieuse contre les droits humains.»

Noms des pays: état d'avril 2021

Les cinq pays procédant au plus grand nombre d’exécutions 

Comme en Chine les informations sur le nombre total d’exécutions et de condamnations à mort sont classées secret d’État, il est impossible de surveiller de façon indépendante la situation dans ce domaine. Les statistiques d’Amnesty International relatives à toutes les exécutions qui ont été recensées ne comprennent donc pas les exécutions qui ont eu lieu en Chine. Cependant, on estime que la Chine procède chaque année à plusieurs milliers d’exécutions, ce qui la classe en tête des pays où ont lieu le plus grand nombre d’exécutions, devant l’Iran (246+), l’Égypte (107+), l’Irak (45+) et l’Arabie saoudite (27). L’Iran, l’Égypte, l’Irak et l’Arabie saoudite ont été responsables à eux seuls de 88 % de toutes les exécutions recensées dans le monde en 2020.

En Égypte, le nombre d’exécutions enregistré durant l’année a triplé, le pays se classant ainsi au troisième rang mondial en 2020. Au moins 23 des personnes exécutées ont été condamnées à mort dans des affaires liées à des violences politiques et à l’issue de procès manifestement iniques, entachés par l’utilisation d’«aveux» extorqués et par d’autres graves violations des droits humains, notamment la torture et la disparition forcée. Un pic a été enregistré en octobre et en novembre, au moment où les autorités égyptiennes ont exécuté au moins 57 personnes – 53 hommes et quatre femmes.

Le nombre d’exécutions recensées en Iran a continué d’être inférieur à celui qui avait été relevé les années précédentes, mais le pays a de façon croissante utilisé la peine de mort comme arme de répression politique contre les dissident·e·s, les manifestant·e·s et les membres de minorités ethniques, en violation du droit international.

De nombreux pays dans la région Asie et Pacifique ont continué de violer le droit international et les normes connexes qui interdisent le recours à la peine de mort pour les crimes qui ne relèvent pas de l’homicide intentionnel. Des condamnations à mort ont ainsi été prononcées pour des infractions à la législation sur les stupéfiants en Chine, en Indonésie, au Laos, en Malaisie, à Singapour, au Sri Lanka, en Thaïlande et au Viêt-Nam; pour corruption en Chine et au Viêt-Nam; et pour blasphème au Pakistan. Au Bangladesh et au Pakistan, des sentences capitales ont été prononcées par des tribunaux qui ont été créés au titre de lois spéciales et qui suivent généralement une procédure distincte de celle des tribunaux de droit commun. Aux Maldives, cinq personnes âgées de moins de 18 ans au moment des faits qui leur étaient reprochés étaient toujours sous le coup d’une sentence capitale.

Les États-Unis ont été le seul pays des Amériques à avoir procédé à des exécutions en 2020. En juillet, le gouvernement de Donald Trump a procédé à la première exécution fédérale depuis 17 ans, et cinq États ont à eux seuls exécuté sept personnes.

Le nombre d’exécutions n’a jamais été aussi bas depuis 10 ans

Au niveau mondial, au moins 483 personnes ont été exécutées en 2020 (ce chiffre ne tenant pas compte des pays où les statistiques relatives à la peine de mort sont classées secret d’État ou pour lesquels on ne dispose que d’informations très restreintes: la Chine, la Corée du Nord, la Syrie et le Viêt-Nam). Ce chiffre est le plus faible qu’Amnesty International ait enregistré depuis au moins 10 ans. Il représente une baisse de 26 % par rapport à 2019, et de 70 % par rapport au pic de 1 634 exécutions recensées en 2015. Cette chute du nombre d’exécutions résulte de la baisse enregistrée dans certains pays non abolitionnistes et, dans une moindre mesure, de l’interruption des exécutions décidée dans certains cas en raison de la pandémie.

Le nombre d’exécutions recensées en Arabie saoudite a chuté de 85 %, passant de 184 en 2019 à 27 en 2020, et de plus de 50 % en Irak, où il est passé de 100 en 2019 à 45 en 2020. Aucune exécution n’a été recensée à Bahreïn, au Bélarus, au Japon, au Pakistan, à Singapour et au Soudan, alors qu’en 2019 ces pays avaient tous appliqué des sentences capitales.

Le nombre de condamnations à mort recensées à travers le monde (au moins 1 477) a également diminué, avec une baisse de 36 % par rapport à 2019. Amnesty International a relevé une diminution du nombre de condamnations à mort dans 30 des 54 pays où des sentences capitales ont été recensées. Cette baisse est apparemment liée dans plusieurs cas à des retards et des reports concernant les procédures judiciaires dus à la pandémie.

Les exceptions les plus notables à cette tendance ont été observées en Indonésie, où le nombre de condamnations à mort recensées en 2020 (117) a augmenté de 46 % par rapport à 2019 (80); et en Zambie, ce pays ayant prononcé 119 condamnations à mort en 2020 (soit 18 de plus qu’en 2019), ce qui représente le chiffre le plus élevé enregistré en Afrique subsaharienne.

«Nous demandons aux autorités de tous les pays qui n’ont pas encore aboli la peine de mort de prendre les mesures nécessaires en 2021 pour mettre fin une fois pour toutes aux homicides judiciaires.» Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International

Abolir la peine de mort

En 2020, le Tchad et l’État du Colorado, aux États-Unis, ont aboli la peine de mort, le Kazakhstan s’est engagé à l’abolir au titre du droit international, et la Barbade a procédé à des réformes afin de supprimer l’imposition obligatoire de la peine capitale. En avril 2021, 108 pays ont déjà aboli la peine de mort pour tous les crimes, et 144 pays l’ont abolie en droit ou dans la pratique.

Compte tenu du fait que 123 États – un chiffre qui n’avait encore jamais été atteint – ont soutenu l’appel de l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’un moratoire sur les exécutions, la pression s’accroît pour que ceux qui sont encore à la traîne rejoignent ce mouvement. «Nous demandons aux autorités de tous les pays qui n’ont pas encore aboli la peine de mort de prendre les mesures nécessaires en 2021 pour mettre fin une fois pour toutes aux homicides judiciaires. Nous continuerons de faire campagne tant que la peine de mort n’aura pas été abolie partout et définitivement.»