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Surveillance par des services de renseignements étrangers
Il y a deux ans, le monde apprenait avec stupéfaction l’ampleur des activités de surveillance globale me-nées par les services de renseignements américains et leurs alliés. Les documents secrets de la NSA con-firment que les communications de millions de personnes ont été interceptées, stockées et analysées: une atteinte sans précédent au droit à la sphère privée.
La Suisse n’a, à ce jour, pas examiné, ni politiquement ni pénalement, les activités de surveillance exer-cées dans notre pays par des services secrets comme la NSA. Des plaintes déposées pour espionnage par des services étrangers ont été lapidairement rejetées par le Ministère public de la Confédération. La « Commission d'experts pour l'avenir du traitement et de la sécurité des données », que le Parlement a souhaité voir mise en place, n’a à ce jour toujours pas été créée.
Amnesty International recommande au Parlement de demander rapidement que toute la lumière soit faite sur les mesures de surveillance exercées sur la Suisse par des services de renseignement étrangers et de prendre les mesures appropriées pour protéger dans le futur la sphère privée de ses habitant·e·s contre cette menace.
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Surveillance exercée par les services de renseignements suisses
Le Parlement va adopter à l’automne 2015 deux projets de loi qui accordent aux Services de renseigne-ment de la Confédération (SRC) nombre de nouvelles compétences. La nouvelle Loi sur le Renseignement (LRens) autorise par exemple l’exploration du réseau câblé, qui constitue une forme de surveillance de masse indépendamment de tout soupçon. Même si elle est exercée de manière restreinte et soumise à un contrôle strict, cette mesure constitue une atteinte disproportionnée à la sphère privée.
Dans la Loi sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT), c’est essentiellement le stockage des métadonnées qui pose problème. Les fournisseurs d’Internet, de téléphonie et de courrier sont tenus de conserver les données des conversations de leurs clients pendant douze mois. Dès lors que tous les usagers et usagères, sans exception, sont concerné·e·s par cette mesure, celle-ci représente elle aussi une atteinte disproportionnée à la protection de la sphère privée.
Amnesty International rejette toute forme de surveillance de masse indiscriminée. La surveillance ne peut être justifiée que s’il existe un soupçon concret et si la mesure est ciblée, nécessaire, respecte la propor-tionnalité et est fondée sur une décision judiciaire.
Amnesty International demande à l’Assemblée fédérale de rejeter toute forme de surveillance de masse indiscriminée, telles que l’exploration du réseau câblé et le stockage des métadonnées, et d’adapter la législation en conséquence.
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Exportation des technologies de surveillance
Les nouvelles technologies et des logiciels sophistiqués permettent aux gouvernements d’intercepter les communications (e-mail, téléphone, SMS, Skype, etc.) et de surveiller de manière globale la population. Des firmes privées développent ces technologies de surveillance et les exportent vers des Etats où le gou-vernement les utilise comme moyen de répression contre sa propre population. C’est ainsi que le com-merce des technologies de surveillance conduit dans de nombreux Etats à une surveillance illégale et à des violations des droits humains telles que les arrestations arbitraires, la torture, des restrictions de la li-berté d’expression ou de réunion. Amnesty International demande un contrôle strict du commerce et des exportations des technologies de surveillance.
En Suisse, des firmes sont connues pour avoir livré des logiciels espions à des régimes dictatoriaux. Ceci a amené le Conseil fédéral à modifier l’Ordonnance sur le contrôle des biens (OCB) et à soumettre doré-navant à autorisation l’exportation de biens visant à surveiller la téléphonie mobile et Internet. Il a ainsi fait un pas dans la bonne direction puisque une autorisation d’exportation doit être refusée lorsqu’il existe un risque que les biens soient utilisés comme moyen de répression par leurs destinataires. L’ordonnance est limitée à une durée de quatre ans.
Amnesty demande à la Suisse d’appliquer strictement l’Ordonnance sur le contrôle des biens pour éviter que les technologies de surveillance ne tombent en de mauvaises mains. La Suisse doit donc faire en sorte que les contrôles à l’exportation soient maintenus après le délai de 4 ans et donner une base légale plus solide au régime de l’autorisation en l’inscrivant directement dans la Loi sur le contrôle des biens.
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Protection pour les lanceurs d'alerte
La protection des lanceurs d’alertes (Whistleblowers) est un domaine sensible pour le respect des droits humains et de l’Etat de droit. Les personnes qui rendent publiques des informations relatives à la corrup-tion ou aux violations des droits humains doivent être protégées contre les représailles et contre les sanc-tions pénales trop lourdes. Ce type de révélations est protégé par le droit à l’information et à la liberté d’expression. Douze ans après l’acceptation d’une motion (03.3212) par les Chambres fédérales qui réclamait une meilleure protection des lanceurs d’alerte, le Conseil fédéral a présenté un projet de modification du Code des obligations. Le Conseil national a rejeté cette proposition en mai 2015 et a demandé un texte plus compréhensible et plus facile à mettre en œuvre.
La Cour européenne des droits de l’homme a fixé des critères selon lesquels la diffusion d’informations confidentielle par des lanceurs d’alerte est digne d’être protégée.
- Les lanceurs d’alertes qui, dans l’intérêt du public, dénoncent des abus ou même de graves viola-tions des droits humains agissent dans le cadre de la liberté d’opinion et doivent être protégés contre des sanctions trop lourdes.
- L’intérêt public, au nom duquel agissent les lanceurs d’alerte, doit être pris en compte dans toute procédure relevant du droit pénal ou du droit du travail.
- Lors de la prononciation de la peine, le fait que les révélations aient réellement commis un dommage à l’Etat ou non doit également être pris en compte.
Le Parlement doit légiférer pour assurer la protection des lanceurs d’alerte ayant rendu publiques des in-formations relatives aux violations des droits humains. Ce faisant, il tiendra compte des critères fixés par la Cour de Strasbourg dans sa jurisprudence.