Guantánamo : des détenus privés de tous leurs droits

3 janvier 2007
En 2003, Amnesty International et d’autres observateurs des droits humains se sont vus refuser l’accès aux personnes détenues par les Etats-Unis dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme».

Ils avaient rendu publiques certaines allégations concernant les tortures et les mauvais traitements pratiqués par les forces américaines en Afghanistan et à Guantánamo, ainsi que les détentions secrètes et les «restitutions».

Les autorités américaines avaient rejeté ces préoccupations en bloc. Le secret entourant les détentions est un danger pour les prisonniers, une épreuve pour les familles et une atteinte à l’état de droit.

Guantánamo: le règne du secret

Pendant longtemps, le Pentagone a tenu secrètes les identités des personnes incarcérées à Guantánamo. Il n’a fourni une liste de noms que plus de quatre ans après le début des détentions. Le Pentagone n’a toujours donné que des nombres approximatifs concernant les détenus.

Il a fait en sorte que ces personnes puissent être transférées depuis ou à Guantánamo, ou encore entre les différents services américains, sans que le public ait connaissance de ces transferts. On sait que la CIA possède son propre centre dans ce camp.

L'agence y aurait gardé des détenus «de grande valeur», et participé aux interrogatoires des personnes placées sous contrôle militaire. Les activités de la CIA dans ce camp restent toutefois entourées du plus grand secret.

Bien d’autres questions concernant Guantánamo restent sans réponse. Ainsi, Amnesty International a reçu des informations selon lesquelles des agents d’autres pays, notamment la Chine et la Libye, se trouvaient à Guantánamo et participaient aux mauvais traitements infligés aux détenus. L’organisation n’a reçu aucune réponse satisfaisante à ce sujet. Les autres traitements cruels, inhumains et dégradants. Il permet également de dissimuler l’ampleur de ces agissements.

Une plaque tournante pour les «restitutions»

Les auteurs de sévices aiment le secret. Le secret favorise les tortures et Guantánamo Bay fait partie d’un réseau mondial pour les «restitutions». Ce programme illégal dirigé par la CIA fait appel à des avions loués par des sociétés prête-noms ou des compagnies d’aviation reconnues pour transférer secrètement des détenus vers d’autres Etats – notamment l’Égypte, la Jordanie et la Syrie – où les interrogatoires sont fréquemment assortis de tortures. Nombre des personnes qui auraient été torturées dans ces pays ont ensuite été envoyés à Guantánamo. L’un des avions utilisés par la CIA, un Gulfstream V successivement immatriculé N379P, N8068V et N44982, a effectué plus de 50 voyages vers Guantánamo, ce qui lui a valu le surnom de «Guantánamo Bay Express».

Des «sites noirs» à Guantánamo

Par le biais du programme de «restitution », des personnes ont été envoyées vers d’autres prisons contrôlées par les États-Unis dans le monde entier, y compris vers les centres de détention clandestins gérés par la CIA, les fameux «sites noirs». On a signalé l’existence de tels centres en Afghanistan, à Diego Garcia (un territoire britannique situé dans l’océan Indien), en Jordanie, au Pakistan, en Thaïlande et dans des pays d’Europe de l’Est. G. W. Bush a confirmé l’existence de ce programme secret en septembre 2006. Il n’a toutefois pas révélé où se trouvaient les centres de détention, ni expliqué ce qu’étaient les techniques d’interrogatoire «non conventionnelles» de la CIA.

Le programme secret de la CIA

Malgré divers procès, la CIA a jusqu’à présent refusé de confirmer ou de nier l’existence d’une directive présidentielle et d’une note du ministère de la justice traçant les grandes lignes du programme de détention secrète et de ses méthodes d’interrogatoire.

Cependant, les méthodes en question, selon de nombreuses sources, comportaient des techniques manifestement contraires au droit international, notamment le «waterboarding» (simulacre de noyade), la station debout, avec chaînes, pendant plus de quarante heures, et la «cellule froide» (le détenu reste debout, nu, dans une cellule froide, et subit des aspersions d’eau froide répétées).

Lorsqu’il a confirmé l’existence du programme de la CIA, le 6 septembre 2006, G. W. Bush a également annoncé que 14 détenus «de grande valeur» étaient passés de la détention secrète à la détention militaire à Guantánamo. Ils avaient été maintenus au secret, dans des endroits non révélés, sur des périodes allant parfois jusqu’à quatre ans et demi.

Les commissions militaires

G. W. Bush a voulu utiliser ces personnes pour persuader le Congrès de remplacer les commissions militaires mises à mal par la Cour suprême des États-Unis trois mois auparavant, pour empêcher les tribunaux américains de prendre en compte les requêtes des «combattants ennemis», et pour fournir une couverture légale au programme secret de la CIA et à toutes les personnes qui y participent. Il a obtenu ce qu’il voulait: le Congrès a finalement adopté la Loi relative aux commissions militaires.

En ratifiant cette loi, le président des Etats- Unis a déclaré que ce texte autoriserait la poursuite du programme de la CIA. Le Comité international de la Croix-Rouge peut désormais rencontrer les 14 prisonniers. Toutefois, le gouvernement américain cherche à faire en sorte que ces derniers ne divulguent aucun élément concernant le programme de la CIA, notamment les emplacements des centres de détention secrets, les conditions d’enfermement et les techniques d’interrogatoire utilisées. Le gouvernement soutient que ces informations, si elles étaient révélées, auraient des répercussions très graves pour la sécurité nationale. Le secret permet de couvrir des violations des droits humains et de contourner l’obligation de rendre des comptes.