Abdul Ra’ouf al Qassim, Libye
Abdul Ra’ouf, incorporé dans l’armée libyenne, a déserté en 1990. Il était alors âgé de 18 ans. Musulman pratiquant, il a quitté son pays par peur des persécutions religieuses de la part du gouvernement Kadhafi. Il a vécu pendant dix ans à l’étranger, puis s’est marié avec une Afghane en 2000 et s’est établi à Kaboul.
Lorsque les bombardements américains ont débuté, en octobre 2001, il a fui avec son épouse alors enceinte vers le Pakistan où ils ont vécu comme réfugiés. Peu après son arrivée il a été victime des désordres liés à la guerre. La police pakistanaise l’a arrêté et l’a littéralement vendu aux américains contre une rançon.
Début août 2002, il a été transféré à Guantánamo où il est détenu depuis plus de six ans sans inculpation. En janvier 2005, le «Combat Status Review Tribunal» l’a qualifié «d’ennemi combattant» et en décembre de la même année, le «administrative Review Board» a recommandé son renvoi vers la Libye.
En décembre 2006 puis en février 2007, le gouvernement américain a tenté de le renvoyer en Libye contre sa volonté. Il y risque l’emprisonnement pour une durée indéterminée, la torture et peut-être même la mort du fait de son passé de détenu de Guantánamo et parce que les USA l’ont, à tort, accusé d’appartenir à un mouvement d’opposition à la dictature libyenne. Une action urgente d’Amnesty International a permis d’éviter ce renvoi.
En 2006, le ministère de la défense américain a officiellement reconnu qu’il ne s’agissait ni d’une personne dangereuse, ni d’une personne qui présenterait une utilité quelconque pour les services secrets. Ce faisant, il a admis qu’il ne présentait aucun danger ni pour les USA, ni pour ses alliés. Ceci ne signifie toutefois pas que sa qualification d’ «ennemi combattant» ait été effacée pour autant et ce stigmate continuera de l’accompagner en cas de libération éventuelle.
B., citoyen algérien, 33 ans
B., citoyen algérien, âgé de 33 ans, a passé 6 ans en formation puis en service dans l’armée algérienne. Il a ensuite, comme de nombreux jeunes musulmans, entrepris un pèlerinage à la Mecque. En 2001 il a travaillé comme volontaire pendant quelques mois pour une organisation de bienfaisance au Cachemire où il a distribué des vivres et des vêtements aux nécessiteux jusqu’à ce qu’il soit victime d’une mine anti-personnel qui l’a gravement blessé. Il a perdu la jambe droite et a été soigné durant de long mois à Lahore (Pakistan) où on lui a posé une prothèse et où il a pu bénéficier d’une rééducation.
En mai 2002, alors qu’il se trouvait à Peshawar chez une connaissance d’origine algérienne pour y chercher une épouse, il a été arrêté au cours d’une rafle menée par la police pakistanaise qui, malgré des promesses de libération, l’a remis aux troupes américaines. Le 5 août 2002, il a été transféré à Guantánamo.
Les autorités américaines ne l’ont jamais formellement inculpé mais se sont contentées de formuler de vagues griefs infondés. Elles ont prétendu qu’il était membre d’une organisation pakistanaise qui possédait une aile armée à côté de sa couverture humanitaire. Lors des auditions devant des officiers américains, il est apparu que l’engagement de B. au sein de cette organisation n’avait été que purement humanitaire. Presque tous les moyens de preuve retenus contre lui ont été classés comme secrets et il n’y a, par conséquent, jamais eu accès. Même ses déclarations, obtenues sous la torture, ont été utilisées contre lui.
Après plus de 6 ans de séjour en détention, B. est toujours à Guantánamo parce qu’aucun pays n’a accepté de l’accueillir. Il aimerait bien pouvoir retrouver sa famille en Algérie mais ne peut le faire parce qu’il serait alors placé sous une double menace. Stigmatisé comme «terroriste potentiel» après son séjour à Guantánamo, le risque est énorme qu’il soit arrêté à son arrivée par les services secrets militaires (DRS) et conduit dans un lieu de détention secret. Il serait alors exposé à la torture et à la mort. En tant qu’ancien soldat ayant combattu dans les années nonante les mouvements fondamentalistes, il serait également sous la menace d’une vengeance de leur part.
C., Ouïghour de Chine
C., âgé de 29 ans, a grandi au sein de la communauté musulmane ouïghoure dans l’Ouest de la Chine. Il a maintenu de bonnes relations avec les milieux littéraires et politiquement progressistes dans le Turkestan Oriental, dont les leaders sont particulièrement exposés aux persécutions et aux arrestations de la part des autorités chinoises. Recherché en Chine pour «délit politique» pour avoir participé, dans les années nonante, à une manifestation interdite, il a abandonné sa femme et un petit enfant pour rejoindre un village d’Afghanistan dans lequel d’autres Ouïghours persécutés avaient trouvé refuge.
Lorsque les forces américaines ont commencé à bombarder l’Afghanistan fin 2001, la petite communauté ouïghoure a quitté l’Afghanistan pour le Pakistan, pays dans lequel ils ont été arrêtés et remis aux troupes américaines en échange d’une somme d’environ 7000 dollars américains. Le 5 mai 2002, C. a été transféré à Guantánamo. Avec les 21 autres Ouïghours il a été accusé d’être membre du mouvement islamique du Turkestan Oriental, soutenu par Al Qaïda. On le désigna alors comme «ennemi combattant» sans qu’aucune preuve de sa culpabilité n’ait pu être établie. En fait, il avait été initialement classé comme «ennemi non-combattant», soit avec le même statut que les 5 Ouïghours qui ont été autorisés à se rendre en Albanie en 2006.
Des représentants chinois ayant participé aux interrogatoires des Ouïghours de Guantánamo ont très clairement déclaré que, en cas de retour en Chine, ils seraient exposés à de longues peines de prison et pourraient même être condamnés à mort. Lorsque C. a refusé d’espionner ses codétenus, les interrogateurs américains l’ont explicitement menacé d’un renvoi vers la Chine.
Les détenus ouïghours de Guantánamo avaient déjà appris en 2003 que leur libération était prévue. A ce jour 17 d’entre eux attendent de pouvoir rejoindre un pays tiers sûr qui serait prêt à les accueillir. C. est endurant mais aujourd’hui, après près de sept ans de détention, il commence à faiblir et à douter.