Au cours de l'année écoulée, les détentions par les autorités américaines dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – en particulier la question du devenir des détenus de Guantánamo – ont pris une nouvelle dimension politique nationale, qui l'a emporté sur les obligations internationales des États-Unis en matière de droits humains.
Ainsi, malgré les promesses du président Obama de suspendre les procédures des commissions militaires, le groupe de travail chargé des détenus de Guantánamo aurait récemment recommandé qu'environ 35 des personnes incarcérées soient poursuivies par les autorités américaines, soit devant des tribunaux fédéraux, soit devant des commissions militaires, et que 48 autres soient détenues sans inculpation ni jugement.
De loi en loi
En novembre 2001, le président George W. Bush avait signé un décret portant sur la création de commissions militaires pour juger les «combattants ennemis» étrangers dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme». Ce système avait été aboli par la Cour suprême américaine en 2006, mais il avait été remplacé la même année par un système légèrement modifié, établi par la Loi relative aux commissions militaires. Une loi qui a été promulguée par le président Obama en octobre 2009.
Tout au long de la dernière année, le Congrès a fait obstacle de plusieurs manières à la progression des dossiers de détenus, et une nouvelle législation doit être adoptée. Le 4 mars 2010, les sénateurs américains John McCain et Joe Lieberman ont présenté une proposition de loi au Sénat, la Loi de 2010 relative à l'interrogatoire, la détention et l'accusation des belligérants ennemis. Le sénateur McCain, en insistant sur le fait que les États-Unis étaient, selon lui, engagés dans une «guerre contre le terrorisme», a déclaré que sa proposition de loi autoriserait la détention sans inculpation « pendant la durée des hostilités» de toute personne qualifiée de «belligérant ennemi non privilégié». Elle interdirait à ces personnes de bénéficier des services d'un avocat après leur arrestation : «Nous ne devons pas fournir aux terroristes présumés » des avocats de la défense, a souligné le sénateur McCain. S'il était finalement décidé d'engager des poursuites pénales, sa loi exigerait qu'elles le soient devant des commissions militaires exclusivement.
Une législation incompatible avec le droit international
Les commissions militaires, même encadrées par les procédures modifiées en 2009, ne respectent pas les normes internationales d’équité. Par exemple, une telle législation :
- autorise des procès devant des commissions militaires qui ne sont pas indépendantes des organes gouvernementaux ayant approuvé des violations des droits humains visant les accusés ;
- permet aux commissions militaires d’utiliser comme preuves des informations obtenues grâce à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou par d’autres pratiques illégales ;
- restreint les droits des accusés d’être assistés par la personne de leur choix ;
- est discriminatoire par rapport à la nationalité des accusés. En effet, les ressortissants américains accusés des mêmes délits seraient jugés devant des tribunaux appliquant des normes plus favorables ;
- autorise le gouvernement à exiger et à obtenir des condamnations à mort au terme de procès inéquitables.